Retraites : près de 3 Français sur 4 doutent de la viabilité du système par répartition

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La question des retraites inquiète largement les Français. Un récent sondage révèle que près des trois quarts de la population ne croient plus en la viabilité du modèle par répartition à long terme. Ce sentiment de défiance touche autant les jeunes que les seniors et met en lumière les fragilités structurelles du système.

Un signal fort sur la confiance

Selon le sondage Toluna-Harris pour le Haut-Commissariat à la stratégie, 73 % des Français estiment que le système de retraites par répartition aura disparu d’ici 2050. Plus de 70 % pensent même que ce modèle se sera déjà dégradé dès 2035. Cette défiance dépasse la seule question sociale : elle traduit un scepticisme sur la capacité de la France à maintenir son modèle redistributif à long terme.

Cette inquiétude survient alors que les comptes sont déjà tendus. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) note un déficit de 1,7 milliard d’euros en 2024, soit -0,1 % du PIB. Si aucune réforme structurelle n’est menée, ce déséquilibre pourrait atteindre -0,2 % en 2030 et -1,4 % du PIB en 2070. Avec un ratio démographique tombé à 1,7 cotisant par retraité, le coût par actif augmente mécaniquement. Les économistes prévoient un ajustement nécessaire par la hausse des cotisations, le recul de l’âge légal ou la baisse des pensions.

Une équation budgétaire fragile

En 2024, les dépenses de retraites atteignent 407 milliards d’euros, soit 13,9 % du PIB, selon le Cercle de l’épargne. Les recettes, composées de cotisations et transferts, devraient chuter à 12,8 % du PIB en 2070. Ce décalage représenterait un manque à gagner de plus de 30 milliards d’euros par an aux prix actuels. La réforme de 2023, qui a relevé l’âge légal à 64 ans et fixé 43 annuités de cotisation, ne suffira pas à combler le déficit à long terme.

L’indexation des pensions sur l’inflation constitue un autre facteur de pression. Chaque point d’inflation engendre plus de 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour les régimes de base. En 2023, le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse a augmenté de 4,6 % pour atteindre 732 000 personnes. Si ce mécanisme protège les plus modestes, il pèse sur la trajectoire budgétaire future.

Une fracture générationnelle évidente

La perception du système varie fortement selon l’âge. Selon l’Institut Montaigne, 49 % des 65 ans et plus soutiennent la réforme, contre seulement 28 % des 25-34 ans. Les seniors voient dans ces mesures une sauvegarde, tandis que les jeunes actifs doutent de pouvoir bénéficier un jour du modèle par répartition. Leurs carrières plus fragmentées et leurs revenus irréguliers compliquent l’acquisition des 43 annuités requises.

Cette différence d’approche a un impact économique : les ménages âgés, détenteurs de patrimoine, soutiennent les politiques de stabilisation, alors que les jeunes actifs endettés perçoivent la réforme comme un report de charges intergénérationnel. La pension moyenne de droit direct s’élève à 1 666 € bruts (1 541 € nets), mais son maintien en valeur réelle nécessiterait une croissance de productivité d’au moins 1 % par an, un objectif que la France n’a pas atteint depuis plus de dix ans.

Une réforme à impacts durables

La réforme des retraites de 2023, qui concerne les actifs nés après 1961, soit près de 28 millions de personnes, illustre la tension entre contraintes budgétaires et acceptabilité sociale. Le COR prévoit un retour à l’équilibre autour de 2035-2037 dans le scénario le plus optimiste, mais un déficit prolongé jusqu’en 2050 dans le scénario le plus pessimiste.

Les conséquences dépassent le seul champ social : le financement des retraites mobilise près de 60 % des prélèvements sociaux. Tout déséquilibre prolongé alourdit la dette publique, évaluée à 110,6 % du PIB en 2025. Pour les marchés financiers, la soutenabilité du système devient un indicateur de confiance souveraine : la perception d’un modèle épuisé n’est plus seulement sociale, elle est économique et structurelle.

Que retenir ?

La défiance des Français envers le modèle de retraites par répartition est un signal d’alerte. Les chiffres montrent que sans réformes adaptées, le système sera confronté à des déséquilibres croissants. Les jeunes et les seniors n’en ont pas la même perception, mais tous sont concernés par la question de la pérennité financière. L’enjeu est double : maintenir un niveau de vie acceptable pour les retraités et assurer la stabilité économique du pays à long terme.


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