Pourquoi les retraités bénéficient-ils encore d’un abattement pour frais professionnels ? L’origine et les pistes de réforme

Afficher les titres Masquer les titres

Chaque année, des millions de retraités bénéficient d’un abattement fiscal de 10 % sur leurs pensions, comme s’ils avaient encore des frais professionnels à déduire. Une situation étonnante, voire incohérente, qui soulève de plus en plus de débats à l’heure où l’État cherche à boucler son budget.

Un avantage fiscal hérité des années 1970

Instauré en 1978 sous le gouvernement de Raymond Barre, l’abattement de 10 % pour les retraités n’a pas été pensé comme une compensation de frais professionnels, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Son objectif ? Compenser la perte de pouvoir d’achat liée au départ à la retraite, tout en respectant le principe d’équité devant l’impôt.

Pourtant, cet avantage fiscal a été calqué sur celui accordé aux actifs pour leurs dépenses professionnelles. Un paradoxe : les retraités n’ont plus à se déplacer, à se former ou à acheter du matériel pour travailler. Et pourtant, l’administration continue d’appliquer automatiquement cet abattement à leurs pensions de retraite.

Comment fonctionne cet abattement de 10 % ?

Chaque année, la déclaration d’impôt des retraités intègre automatiquement cette déduction de 10 % sur les pensions déclarées (cases 1AS à 1DS). Voici les principales règles qui s’appliquent :

  • abattement plafonné à 4 399 € par foyer pour les revenus 2024 ;
  • plancher de 450 € minimum par personne retraitée ;
  • s’applique aussi aux pensions d’invalidité, pensions alimentaires, et retraites de source étrangère.

Résultat : 15 millions de retraités profitent de cette déduction fiscale. Une aide précieuse pour certains, mais jugée dépassée par d’autres.

Un dispositif critiqué dans un contexte de rigueur budgétaire

Ce coup de pouce fiscal n’a jamais cessé de susciter des interrogations. Certains économistes et représentants du patronat n’hésitent pas à parler d’injustice fiscale, voire d’aberration. L’argument est simple : pourquoi maintenir une réduction destinée à couvrir des frais professionnels alors que les retraités n’en ont plus ?

Le débat est d’autant plus brûlant que les finances publiques doivent trouver 40 milliards d’euros pour équilibrer les comptes. D’où l’idée, défendue par le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), de supprimer purement et simplement cet abattement.

Quel impact aurait la suppression de l’abattement ?

Selon les estimations, cette suppression pourrait rapporter entre 4 et 5 milliards d’euros par an à l’État. Un montant significatif qui permettrait de soutenir le financement des retraites dans un contexte de vieillissement accéléré de la population.

Mais les conséquences ne seraient pas neutres :

  • environ 8,5 millions de retraités seraient touchés ;
  • les 20 % les plus aisés verraient leur impôt augmenter de 700 à 800 € par an ;
  • 500 000 retraités non imposables pourraient le devenir, comme ce retraité touchant 1 542 € mensuels, qui devrait alors payer 272 € d’impôt.

Pour les retraités modestes, en revanche, l’impact serait minime voire nul, puisqu’ils sont déjà exonérés ou faiblement imposés.

Une réforme qui divise

Si la mesure pourrait contribuer à réduire le déficit, elle reste impopulaire auprès des syndicats. L’Unsa-Retraités souligne que « ce sont toujours les mêmes qui trinquent », et appelle à plutôt s’attaquer aux niches fiscales dont bénéficient les plus hauts revenus.

D’autres pistes sont avancées pour renforcer les caisses de l’État :

  • une augmentation progressive des cotisations vieillesse ;
  • une réforme plus ciblée des avantages fiscaux inutiles ;
  • la création d’un mécanisme de solidarité entre générations.

Le gouvernement, de son côté, aurait tranché : l’abattement de 10 % devrait être remplacé par une déduction forfaitaire de 2 000 € par an. Une réforme qui pourrait simplifier le système, mais qui ne convainc pas encore tout le monde.

Un équilibre délicat entre justice fiscale et pouvoir d’achat

Le débat autour de cet abattement met en lumière un dilemme récurrent : comment garantir une justice fiscale sans fragiliser ceux qui dépendent d’un revenu fixe ? Si la mesure semble logique dans un souci d’équité, elle risque de fragiliser une partie des retraités, déjà impactés par l’inflation et la hausse du coût de la vie.

Ce qui est sûr, c’est que la question de la fiscalité des retraités va continuer d’agiter les débats dans les prochains mois, tant les enjeux financiers et sociaux sont importants pour l’avenir du pays.


Faites passer le mot en partageant !