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Dans notre société où les troubles psychiques se multiplient, les professionnels du psychologique ne sont pas épargnés par la fatigue et la souffrance. Derrière leur rôle d’aidant, ils vivent eux aussi des moments difficiles, parfois lourds à porter au quotidien.
Un métier au cœur d’un défi croissant
Comme le souligne Andrea Ramos, psychologue de la santé, « être confronté, séance après séance, à des histoires lourdes, ça laisse des traces ». Ce constat met en lumière une réalité paradoxale : alors que la demande de soins explose, le métier de psychologue devient de plus en plus exigeant et complexe.
La santé mentale est devenue un enjeu majeur. Selon le ministère de la Santé, plus d’un million de personnes souffrent de troubles mentaux sévères. Anxiété, dépression, idées suicidaires ou troubles alimentaires, près de 10 % des Français seront concernés au moins une fois dans leur vie. Dans ce contexte, l’accès à des soins psychologiques de qualité est essentiel, mais la situation n’est pas simple à gérer.
Le grand écart entre public et privé
Le monde de la psychologie se divise en deux univers distincts : le public et le privé. Andrea Ramos exerce dans le privé, où un diplôme universitaire suivi d’un master de deux ans est obligatoire pour exercer.
« Dans la santé, soit t’as un contrat stable, soit tu bosses en freelance », explique-t-il. Ce qui pose problème, c’est que beaucoup de psychologues se retrouvent en réalité de faux indépendants. Ils doivent gérer un quota de patients, mais restent travailleurs indépendants, avec peu de protections.
Conséquence directe : une surcharge de travail. Andrea raconte que « on peut voir jusqu’à 40 patients par semaine, ce qui est énorme. Mais souvent, c’est juste pour compenser un salaire trop bas ». Cette situation crée de la frustration et nuit à la qualité des soins. Les listes d’attente s’allongent, les patients doivent patienter, et les professionnels finissent épuisés.
Du côté du secteur public, la situation n’est guère plus enviable. Pour y entrer, il faut réussir l’examen PIR puis suivre une formation en résidence de quatre ans dans des hôpitaux ou centres de santé mentale.
Gabriel Ródenas, porte-parole de la Société espagnole de psychologie clinique, explique que la charge de travail y est tout aussi lourde. L’Organisation mondiale de la santé recommande 20 psychologues pour 100 000 habitants, mais on tourne plutôt autour de six, avec des régions comme l’Andalousie à peine à trois.
Le résultat se traduit par des séances souvent raccourcies, espacées, dans des conditions matérielles et d’accueil parfois insuffisantes.
Le poids émotionnel au quotidien
Au-delà des chiffres, le métier porte un lourd fardeau émotionnel. Porter les histoires de souffrance des autres peut peser lourdement. « C’est un boulot dur, avec beaucoup d’histoires lourdes », reconnaît Gabriel Ródenas.
Contrairement à l’idée reçue, les psychologues ne restent pas toujours distants. Des liens forts se créent parfois avec leurs patients, ce qui peut renforcer la charge émotionnelle.
Lucía Camín, directrice et thérapeute d’Alcea Psychology, met en avant deux clés pour tenir le coup : dissocier la vie professionnelle de la vie personnelle et trouver un juste équilibre entre les deux. Elle admet que c’est loin d’être évident.
C’est pour cette raison que sa clinique propose des psychothérapies spécialement destinées aux psychologues, pour leur permettre de se ressourcer.
Pourquoi les psychologues ont eux aussi besoin de soutien
Lucía rappelle que beaucoup choisissent cette profession parce qu’ils ont une nature profondément solidaire ou parce qu’ils ont eux-mêmes traversé des épreuves difficiles. Ces vécus, combinés à une exposition constante à des cas lourds, laissent inévitablement des marques.
En réalité, derrière le bureau du thérapeute se trouve un être humain, parfois fatigué, parfois blessé. « Soigner les autres, c’est beau, mais qui soigne ceux qui soignent ? » Le sujet reste délicat mais demande une attention urgente.
Comme le dit le proverbe, « la charité bien ordonnée commence par soi-même ». Sans ce soin personnel, la machine finit par craquer, et c’est toute la chaîne d’aide qui vacille.
Au cœur de cette réflexion, il devient évident que pour protéger ceux qui nous protègent, il faut reconnaître leurs fragilités et leur offrir des ressources adaptées. Une prise de conscience indispensable pour la santé mentale collective.