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Beaucoup de familles découvrent trop tard les conséquences d’une simple phrase dans leur acte de donation. Une ancienne notaire tire la sonnette d’alarme : une clause très répandue peut rendre impossible la revente d’un bien, même plusieurs années après la transmission.
Une maison de famille devenue un casse-tête
En 2015, Yannick, un jeune trentenaire du Périgord, reçoit en donation une charmante maison de campagne de 145 m², estimée à 320 000 euros. Ce geste de ses parents avait deux objectifs : alléger la fiscalité et maintenir la demeure dans la famille. *« Cette maison appartenait déjà à la mère de Yannick, elle voulait qu’elle reste un lieu de rassemblement pour les générations futures »*, explique Coralie Daven, ancienne notaire.
Pendant plusieurs années, tout se passe bien. Yannick s’y installe avec sa compagne, en fait sa résidence principale et continue d’y recevoir parents, cousins et amis. La maison reste un symbole fort de l’attachement familial.
Un projet à l’étranger vient tout bouleverser
Quelques années plus tard, une opportunité professionnelle à l’étranger change la donne. Yannick et sa femme décident de partir vivre hors de France. Pour financer leur nouvelle vie et éviter les charges du bien – taxe foncière, entretien, frais divers – ils mettent la maison du Périgord en vente.
Rapidement, un acheteur se manifeste, prêt à signer pour le prix estimé. Tout semble en ordre, jusqu’au moment où Coralie Daven, alors notaire chargée de la vente, relève une mention dans l’acte de donation : la fameuse clause de retour conventionnel.
Une clause méconnue mais aux effets redoutables
*« Cette clause est prévue dans 90 % des actes de donation, et beaucoup de gens ignorent ses conséquences »*, prévient Coralie Daven. En clair, cette disposition permet aux parents donateurs de récupérer le bien si leur enfant – le donataire – décède avant eux. Juridiquement, la donation est alors considérée comme n’ayant jamais existé, même si le bien a été revendu entre-temps.
Mais ce n’est pas tout. L’acte de Yannick contenait également une interdiction d’aliéner ou d’hypothéquer, autrement dit, il ne pouvait ni vendre ni emprunter sur le bien sans l’accord de ses parents. Pour finaliser la vente, ces derniers devaient donc renoncer expressément à leurs droits. Une formalité en apparence, mais lourde de sens pour eux.
Quand la clause devient une arme familiale
En apprenant la mise en vente de la maison, les parents de Yannick tombent des nues. *« Ils ont été blessés. Pour eux, cette clause symbolisait la protection du patrimoine familial »*, se souvient la notaire. Refus catégorique donc : pas question de signer la renonciation.
Résultat : la vente est bloquée. *« On ne peut pas laisser un acquéreur signer sans certitude que la faculté de retour soit levée »*, rappelle Coralie Daven. Les parents campent sur leur position, estimant que leur fils trahit l’esprit de la donation. Lui, de son côté, leur reproche de freiner son avenir. La situation dégénère, jusqu’à provoquer une véritable fracture familiale.
Des clauses impossibles à contourner
Yannick n’a d’autre choix que de renoncer à la vente. Il décide malgré tout de partir à l’étranger, laissant derrière lui une maison invendable et des relations brisées. Pour lui, impossible d’utiliser la valeur de ce bien pour rebondir ailleurs.
*« Quand on reçoit une maison, on est content, on pense à l’avantage fiscal. Mais ces clauses peuvent devenir un vrai piège »*, avertit l’ancienne notaire. Et d’ajouter : *« Ce type de situation n’est pas rare. Les familles ne mesurent pas toujours l’impact juridique d’une donation mal encadrée »*.
Le patrimoine familial, un cadeau parfois empoisonné
Depuis, la maison du Périgord est restée vide. Les parents de Yannick ne peuvent plus y aller : leur fils leur en interdit l’accès. Une situation amère pour tous. Pour éviter ce genre de drame, Coralie Daven conseille de bien réfléchir à la forme de la donation avant de signer.
- Donner le bien en nue-propriété tout en conservant l’usufruit ;
- Prévoir clairement dans l’acte les conditions de revente ;
- Discuter en amont des intentions de chaque partie ;
- Se faire accompagner d’un professionnel pour anticiper les conséquences ;
Selon elle, cette approche permettrait aux parents de continuer à profiter du logement, tout en laissant plus de liberté à leurs enfants.
En somme, un bien transmis par amour peut vite devenir source de conflits s’il n’est pas entouré des bonnes précautions. Derrière les avantages fiscaux d’une donation, se cache parfois une arme juridique redoutable — celle d’une simple clause dont personne n’avait vraiment mesuré la portée.