Selon la loi, un locataire qui abîme un logement n’a rien à rembourser si le propriétaire oublie cette formalité

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Les conflits entre propriétaires et locataires au moment de la remise des clés sont fréquents, surtout lorsqu’il s’agit de dégradations ou de frais de remise en état. Pourtant, un simple oubli de procédure par le bailleur peut complètement inverser la situation et l’obliger à payer les réparations, même si le locataire est responsable des dégâts. Un récent arrêt de la Cour de Cassation éclaire cette règle essentielle pour tous les propriétaires.

Les obligations du locataire en matière de dégradations

La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 encadre strictement les responsabilités du locataire. Pendant la durée du bail, celui-ci doit :

  • Répondre des dégradations et pertes survenues dans le logement ;
  • Assurer l’entretien courant du logement et des équipements ;
  • Effectuer les petites réparations et réparations locatives.

Concrètement, ces dégradations peuvent se manifester par des trous ou des taches sur les murs, un revêtement de sol abîmé ou brûlé, une porte enfoncée ou encore une plaque de cuisson cassée. Le locataire reste donc légalement responsable de tout dommage constaté et noté dans l’état des lieux de sortie, à condition que celui-ci ait été établi correctement.

Quand l’état des lieux fait défaut, le propriétaire perd ses droits

Dans un arrêt rendu le 16 novembre 2023 (3e chambre civile, n° 22-19422), la Cour de Cassation a rappelé qu’un propriétaire ne peut pas réclamer les réparations si certaines formalités essentielles sont négligées. L’affaire concernait un locataire accusé de ne pas avoir entretenu le jardin. Le bailleur avait établi un état des lieux de sortie à son initiative, sans présence du locataire.

La Cour souligne que le document unilatéral ne constitue pas une preuve des dégradations. Pour que le propriétaire puisse engager la responsabilité de son locataire, il doit :

  • Tenter d’établir un état des lieux contradictoire, en présence du locataire ;
  • Si le locataire refuse, faire appel à un commissaire de justice pour constater les lieux, avec partage des frais par moitié.

Or, dans ce dossier, le mandataire du bailleur n’a sollicité aucun commissaire et a rédigé seul le document, qui n’avait donc aucune valeur juridique. Le locataire n’avait, de son côté, jamais refusé de participer à l’état des lieux amiable.

Les conséquences pour le propriétaire négligent

Résultat : le propriétaire a été condamné à verser au locataire 1539,60 euros, correspondant à la restitution du dépôt de garantie et aux majorations de retard. Une somme qu’il aurait pu éviter en respectant les formalités prévues par la loi. Concrètement, il aurait dû :

  • Envoyer une demande d’état des lieux par courrier recommandé avec avis de réception ;
  • À défaut de réponse, faire intervenir un commissaire de justice pour constater les dégradations.

Cette décision rappelle que le moindre oubli peut inverser la charge des frais et coûter cher aux propriétaires. La prudence et le respect des procédures légales sont donc essentiels lors de chaque départ de locataire.

Pourquoi cette règle protège le locataire

Cette règle vise à garantir un traitement juste et transparent. En imposant au bailleur de respecter la procédure, la loi s’assure que les dégradations sont correctement constatées et contestées avant de demander un remboursement. Elle protège aussi le locataire contre des réclamations unilatérales et non documentées.

Comme le rappellent les juges : Le document établi par le bailleur seul n’a aucune valeur probante, et il est de sa responsabilité de suivre les étapes légales pour impliquer le locataire ou un commissaire de justice.”

Ce que doivent retenir les propriétaires

Pour éviter de payer pour des dégradations qui devraient être à la charge du locataire, il est crucial de :

  • Planifier l’état des lieux de sortie dès le préavis reçu ;
  • Inviter le locataire à participer à la constatation des lieux ;
  • En cas de refus, faire appel à un commissaire de justice et partager les frais ;
  • Conserver tous les documents et preuves d’échanges avec le locataire.

Le respect de ces étapes simples permet de sécuriser les démarches, de prévenir les litiges et d’éviter de lourdes pertes financières.

Une vigilance qui rapporte

Au final, la justice rappelle que la procédure est aussi importante que le constat des dégâts. Un propriétaire attentif et respectueux des formalités peut réclamer les frais de remise en état sans difficulté. À l’inverse, le moindre oubli peut transformer un locataire fautif en bénéficiaire d’une restitution complète du dépôt de garantie, avec intérêts.

Ce cas met donc en lumière un enseignement essentiel pour tous les bailleurs : la prudence, la documentation et le respect strict de la procédure légale sont les meilleurs alliés pour protéger ses droits et éviter des dépenses inattendues.


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