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Un nouveau projet de règlement sur la fixation des loyers fait grincer des dents au Québec. Il permettrait aux propriétaires de transférer une partie des coûts d’entretien et de rénovation à leurs locataires, ce qui pourrait entraîner une hausse significative des loyers. Si certains voient dans ces mesures une opportunité de moderniser le parc immobilier, d’autres s’inquiètent des conséquences financières pour les résidents.
Un ajustement des loyers après travaux
Selon les nouvelles règles, les propriétaires pourront intégrer 5 % des dépenses effectuées pour l’entretien et les rénovations de leur immeuble dans l’augmentation annuelle des loyers. Cette règle s’applique aussi aux intérêts liés à ces travaux. L’objectif affiché est d’amortir ces dépenses sur une période de 20 ans.
Depuis 2006, le taux d’amortissement annuel oscillait entre 2,4 et 4,8 %, un calcul complexe basé sur les taux d’intérêt en vigueur. L’an dernier, il était de 4,8 %. La nouvelle méthode vise, selon le cabinet de la ministre de l’Habitation Sonia Bélanger, à réduire les chocs tarifaires pour les locataires et à simplifier la procédure pour tous.
Des comités logement très inquiets
« C’est du jamais vu », s’exclame Émile Boucher, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). « Lorsque des dépenses sont faites pour entretenir un immeuble, c’est le propriétaire qui en tire un profit, car la valeur augmente. Les locataires vont se retrouver à payer pour ça », ajoute-t-il.
Le RCLALQ craint que les hausses liées aux rénovations ne pèsent lourd sur les budgets des locataires, surtout dans un contexte où le coût de la vie augmente déjà.
Une nécessité pour le parc immobilier
Pour le cabinet de la ministre, rénover le parc existant est essentiel. « Si on ne réinvestit pas dans ce qui existe déjà, certains logements sont à risque de devenir inhabitables et de sortir du marché », précise Amelia Benattia, attachée de presse de Sonia Bélanger.
Du côté de l’Association des propriétaires du Québec (APQ), on salue la mesure. « C’est un pas dans la bonne direction pour freiner la détérioration du parc immobilier », explique Martin Messier, porte-parole de l’APQ. Il souligne cependant que certaines installations, comme les chauffe-eau, doivent être remplacées plus fréquemment que tous les 20 ans, ce que le projet ne prend pas totalement en compte.
Une formule de calcul contestée
Au-delà des rénovations, les nouvelles règles modifient aussi le calcul des hausses de loyer. La formule du Tribunal administratif du logement (TAL) s’appuierait désormais sur l’Indice des prix à la consommation (IPC) global des années précédentes, et non plus sur l’inflation spécifique aux coûts d’exploitation des logements.
Pour Émile Boucher, cette méthode risque de créer un cercle inflationniste. « L’IPC inclut déjà le coût des loyers », rappelle-t-il. Le RCLALQ demande donc à la ministre de plafonner les hausses, comme cela se fait déjà en Ontario.
Martin Messier, pour sa part, estime que la formule est plus simple et tangible. « Le système précédent était difficile à comprendre pour les propriétaires et les locataires », souligne-t-il.
Une opposition déjà massive
Près de 15 000 personnes ont signé une pétition contre ces nouvelles règles, déposée le 7 octobre à l’Assemblée nationale par le RCLALQ. Émile Boucher reste toutefois sceptique quant à l’écoute de la ministre : « On a invité formellement la ministre à nous rencontrer, mais je reste sceptique que ça va se produire ».
Le cabinet de Sonia Bélanger assure toutefois que le processus est transparent et équitable. Toutes les contributions reçues seront analysées avec rigueur, promet Amelia Benattia.
Un équilibre délicat à trouver
Entre la nécessité de rénover et de maintenir un parc immobilier viable et la protection du pouvoir d’achat des locataires, la question des loyers au Québec reste délicate. Les prochaines décisions ministérielles détermineront si les locataires supporteront réellement une partie des coûts des travaux ou si des ajustements seront apportés pour limiter l’impact sur leurs budgets.
Dans tous les cas, cette réforme montre que l’équilibre entre entretien du parc immobilier et protection des locataires reste un enjeu majeur pour l’habitation au Québec, et que la vigilance des citoyens et des comités logement sera déterminante dans les mois à venir.

