C’est officiel : les propriétaires peuvent plus facilement récupérer les loyers impayés via saisie sur salaire

Afficher les titres Masquer les titres

Jusqu’ici, récupérer des loyers impayés relevait souvent du parcours du combattant pour de nombreux bailleurs. Mais une réforme entrée en vigueur le 1er juillet 2025 pourrait bien changer la donne. Désormais, les propriétaires disposent d’une procédure allégée pour agir plus rapidement… au détriment, peut-être, des locataires les plus fragiles.

Une nouvelle arme pour les propriétaires

La peur de ne pas être payé reste l’un des cauchemars les plus courants chez les propriétaires. Jusqu’à présent, il fallait souvent patienter plusieurs mois, voire des années, pour espérer récupérer les sommes dues. La procédure passait systématiquement par le juge, ce qui allongeait considérablement les délais.

Mais depuis le 1er juillet 2025, ce n’est plus nécessaire. Les commissaires de justice – anciennement huissiers – peuvent désormais enclencher une saisie sur salaire sans passer par la case tribunal. * »Ils peuvent intervenir directement, à condition qu’un commandement de payer soit resté sans réponse pendant un mois »*, explique Danielle Dubrac, présidente de l’Unis, une organisation regroupant des professionnels de l’immobilier.

Si le locataire ne réagit pas dans ce délai, le commissaire peut lancer la procédure en informant l’employeur du débiteur. Le juge n’interviendra plus que si le locataire conteste officiellement la démarche. Cette simplification s’inscrit dans une réforme plus large de la saisie des rémunérations, applicable à tous les dossiers en cours depuis début juillet.

Un processus express, sans attendre le juge

Jusqu’à récemment, le recours à une saisie sur salaire impliquait forcément une décision judiciaire. Le propriétaire devait obtenir un titre exécutoire auprès du juge de l’exécution, ce qui prenait souvent du temps. Cette étape est désormais facultative dans bien des cas, ce qui accélère le processus de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois.

Une fois le délai d’un mois écoulé, le créancier dispose de trois mois pour confirmer qu’il souhaite poursuivre la procédure. Il remet alors un procès-verbal de saisie directement à l’employeur du locataire, qui sera dans l’obligation de retenir une partie du salaire pour rembourser la dette locative.

Ce changement est prévu dans le cadre de la loi du 20 novembre 2023 sur la réforme de la justice pour 2023-2027, qui vise à réduire l’engorgement des tribunaux. Une stratégie assumée de déjudiciarisation que soutient pleinement la Chambre nationale des commissaires de justice.

Des critiques face à une réforme jugée brutale

Du côté des associations de locataires, l’inquiétude monte. Pour la Confédération nationale du logement, cette réforme revient à fragiliser encore davantage des ménages déjà en difficulté. * »C’est une attaque directe contre les plus précaires »*, dénonce-t-elle, pointant le risque d’accélérer les expulsions et de plonger certaines familles dans des situations critiques.

Il faut dire que le phénomène des impayés de loyer est en nette augmentation. En mai dernier, lors d’une réunion de l’Observatoire national des impayés de loyer, la ministre du Logement, Valérie Létard, évoquait une hausse inquiétante, y compris chez les classes moyennes. La pression financière devient de plus en plus forte pour de nombreux foyers.

Chaque année, ce sont près de 1,5 million de ménages qui rencontrent des difficultés à honorer leur loyer. Parmi eux, environ 500 000 reçoivent un commandement de payer, signe que la situation peut rapidement s’aggraver. En 2024, plus de 24 000 expulsions ont été menées avec le concours de la force publique. Un chiffre qui en dit long sur l’ampleur du malaise.

Vers un équilibre encore à trouver ?

Cette réforme marque une étape importante pour les propriétaires, qui peuvent désormais espérer obtenir justice plus vite. Mais elle soulève aussi des questions sur l’équilibre entre les droits des bailleurs et la protection des locataires. Accélérer les procédures, c’est bien. Mais sans accompagnement social renforcé, cela pourrait aussi aboutir à plus d’exclusions, dans un contexte économique déjà tendu.

La ministre du Logement n’a pas encore précisé si des dispositifs d’aide ou de médiation seront renforcés pour accompagner cette évolution. Car si les propriétaires souffrent d’impayés, les locataires, eux, sont parfois à deux doigts du basculement.

Entre sécurité pour les uns et vulnérabilité pour les autres, la réforme de la saisie sur salaire laisse donc un goût amer à certains. Elle pourrait, dans les mois à venir, devenir un vrai sujet de débat public.

Avec cette nouvelle procédure, les propriétaires disposent d’un levier plus rapide et efficace pour se faire payer. Mais le revers de la médaille, c’est un durcissement qui pourrait fragiliser davantage les foyers déjà sur la corde raide. La suite dépendra sans doute de la manière dont cette réforme sera appliquée et encadrée sur le terrain.


Faites passer le mot en partageant !