Afficher les titres Masquer les titres
Donner un appartement à ses enfants pour les aider à débuter dans la vie peut sembler une excellente idée. Mais si ce bien immobilier est encore sous crédit, attention aux mauvaises surprises. Une stratégie souvent présentée comme « astucieuse » – transmettre le logement en laissant le prêt à la charge de l’enfant – peut en réalité se retourner contre toute la famille. L’administration fiscale veille au grain, et cette pratique peut entraîner une requalification lourde de conséquences.
Une donation avec crédit : le piège derrière le cadeau
Beaucoup de familles découvrent trop tard le terme : donation avec charge. Dans ce montage, les parents donnent leur bien immobilier, mais laissent à leur enfant le soin de rembourser le prêt en cours. Sur le papier, tout le monde y gagne : les parents gardent leur épargne, l’enfant reçoit un logement, et la succession est anticipée.
Le notaire rédige l’acte, le crédit est transféré, les mensualités continuent… Tout semble parfaitement légal. Mais pour le fisc, cette générosité cache en réalité une double opération. Et c’est là que les ennuis peuvent commencer.
Pour le fisc, ce n’est pas qu’un don
Ce que les familles pensent être un simple geste généreux est vu autrement par l’administration fiscale. En acceptant de reprendre le crédit, l’enfant apporte une « contrepartie ». Autrement dit, il paie quelque chose en retour. C’est ce que le fisc appelle une donation mixte : une partie est une donation, l’autre est une vente déguisée.
Concrètement, cela donne :
- une vente équivalente au montant du crédit restant à rembourser ;
- une donation sur la partie du bien qui dépasse ce montant, soumise aux abattements habituels.
Mais si le crédit est presque égal, voire supérieur à la valeur du bien, l’administration ne parle même plus de don. Il s’agit alors d’une véritable vente masquée. Et qui dit vente, dit impôt sur les plus-values, droits de mutation, et parfois même des pénalités.
Exemple concret : une « générosité » qui coûte cher
Imaginons un couple qui souhaite transmettre un appartement estimé à 400 000 € à leur fils. Il reste 250 000 € de prêt à rembourser. L’enfant reprend le crédit, les parents lui donnent le bien.
Le fisc voit deux choses :
- une vente pour 250 000 € (le crédit repris), avec impôt sur la plus-value si le logement a pris de la valeur ;
- une donation de 150 000 €, soumise aux abattements (100 000 € exonérés, 50 000 € imposables).
Dans ce scénario, l’impôt sur la plus-value peut s’élever à plus de 50 000 €, et les droits de donation à environ 5 500 €. Soit une addition totale de plus de 60 000 € pour ce qui, au départ, était censé être un coup de pouce familial.
Le conseil du notaire : toujours solder le crédit d’abord
Maître Dubois, notaire à Lyon, est formel : « Ne jamais transmettre un bien sans avoir d’abord remboursé intégralement le crédit« . Pour lui, la règle est claire : « Un prêt est lié à une personne, pas à un bien. Si vous tentez de tout transmettre en même temps, vous prenez un risque énorme ».
Certes, il existe des alternatives plus techniques comme le démembrement de propriété ou des clauses particulières dans l’acte, mais elles demandent une vraie expertise. Dans tous les cas, il faut passer par un notaire compétent. Et surtout, éviter les décisions prises à la va-vite après une simple discussion avec sa banque.
Une opération risquée, à bien encadrer
Ce type de montage immobilier peut sembler séduisant, mais il faut en mesurer les risques fiscaux. Le fisc analyse chaque opération à la loupe. Dès qu’il y a une contrepartie financière, il considère que la donation n’est pas « pure ». Et les conséquences peuvent être lourdes, tant pour le donateur que pour le bénéficiaire.
Le plus grand danger ? Croire qu’on peut « jouer malin » avec les règles fiscales. Mal préparée, cette opération peut coûter très cher et anéantir l’intention initiale : aider un enfant sans se ruiner.
Avant d’envisager une telle donation, il est indispensable de prendre conseil auprès d’un notaire. Une seule rencontre peut éviter une erreur aux lourdes conséquences. Car en matière de transmission immobilière, un bon conseil vaut parfois bien plus que le bien transmis lui-même.