« Après 25 ans comme conducteur de train à la SNCF, voici ce que je touche chaque mois »

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Ils sont des milliers à faire rouler les trains chaque jour, mais leur rémunération reste souvent entourée de fantasmes. Sébastien, conducteur de TER à la SNCF depuis un quart de siècle, a accepté de lever le voile sur son salaire et son quotidien. Entre horaires décalés, responsabilités lourdes et vie personnelle bousculée, son témoignage apporte un éclairage concret sur un métier méconnu.

Un quotidien rythmé par les rails

On peut le croiser sur les lignes de l’Est de la France, aux commandes d’un TER. Sébastien Mougenot, quadragénaire originaire de Belfort, sillonne régulièrement la Haute-Saône, les Vosges ou encore le Rhône. Sur les prochains mois, il parcourra plus de 16 000 kilomètres, l’équivalent d’un Paris-Sydney en ligne droite.

Avant de transporter des voyageurs, Sébastien a longtemps roulé pour le fret. Entre 2000 et 2012, il travaillait pour SNCF Fret, d’abord à Dijon puis à Mulhouse. Une autre époque, selon lui, où les carrières étaient plus linéaires et les passerelles plus nombreuses au sein de l’entreprise.

Des horaires qui changent sans cesse

Aujourd’hui, ses journées se déroulent presque exclusivement dans la cabine de conduite. Mais impossible de parler de routine. “Il n’y a pas deux journées identiques, ni deux semaines qui se ressemblent, explique-t-il. Une semaine, il démarre à 5h47. La suivante, à 12h05 ou 6h30. Les fins de service peuvent tomber aussi bien tôt le matin que tard le soir.

Les jours de repos, eux aussi, varient en permanence. Près de la moitié du temps, ils ne tombent pas le week-end. Une contrainte qui pèse sur la vie personnelle et familiale. Sébastien, père de deux filles, dort également à l’extérieur de son domicile une à deux nuits par semaine.

Un impact fort sur la vie sociale

Ce fonctionnement a un coût humain. “Socialement, l’impact est énorme”, reconnaît le conducteur. Lorsque ses repos tombent en milieu de semaine, organiser des moments entre amis devient compliqué. Les activités sportives collectives sont aussi difficiles à maintenir sur la durée. Je peux être là trois semaines d’affilée, puis absent les trois suivantes, résume-t-il.

Combien gagne vraiment un conducteur de TER

La question qui intrigue le plus reste celle du salaire. Pour son travail, Sébastien perçoit environ 37 000 euros net par an, avant impôt sur le revenu. Cela représente un peu plus de 3 000 euros par mois. Mais cette somme n’est jamais fixe.

Près d’un tiers de ses revenus dépend du nombre de kilomètres parcourus. Cette part variable peut atteindre entre 800 et 900 euros par mois. “D’un mois à l’autre, la fiche de paie peut changer sensiblement”, précise-t-il. Une réalité souvent ignorée du grand public, qui imagine un salaire figé.

Des situations très différentes selon le statut

Sébastien insiste sur un point essentiel : il est impossible de généraliser. À la SNCF, tous les conducteurs ne sont pas logés à la même enseigne. On distingue les agents statutaires et les contractuels, eux-mêmes répartis en plusieurs catégories. Si les missions se ressemblent, les salaires, les primes et surtout les droits à la retraite peuvent varier fortement.

La retraite, un sujet sensible

Conducteur statutaire, Sébastien peut théoriquement ouvrir ses droits à la retraite à 53 ans et 3 mois. Mais partir à cet âge reste illusoire. “Personne ne part à l’ouverture des droits, ce serait suicidaire financièrement”, confie-t-il. Pour une retraite à taux plein, il devra attendre plusieurs années supplémentaires. Les contractuels, eux, devront patienter jusqu’à 64 ans.

Souvent critiqué, ce régime fait encore rêver. Sébastien en sourit : J’ai le truc qui fait fantasmer la moitié de la France. Mais il rappelle que le métier ne se limite pas à conduire. Il est pénalement responsable de son train, de la sécurité des passagers et doit gérer les incidents de premier niveau.

Un métier qui n’est plus le même

Selon lui, son parcours n’est plus reproductible aujourd’hui. La SNCF d’il y a quinze ans n’existe plus, affirme-t-il. Depuis janvier 2025, SNCF Fret a été démantelée en deux structures, rendant impossibles les passerelles entre le fret et le TER.

Sébastien s’inquiète pour les plus jeunes. La réduction des missions, des engins utilisés et des kilomètres parcourus limite les perspectives d’évolution. À terme, il redoute l’ennui et le décrochage professionnel. Un signal d’alerte venu de l’intérieur, alors que le rail peine déjà à recruter.

Entre stabilité financière, contraintes lourdes et avenir incertain, le témoignage de Sébastien rappelle une chose : derrière chaque train à l’heure, il y a un conducteur dont le métier est bien plus complexe qu’il n’y paraît.


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