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Depuis plusieurs mois, la chasse aux fraudeurs de compteurs Linky s’intensifie. Enedis, le gestionnaire du réseau public d’électricité, multiplie les contrôles et sanctions. Mais dans certains cas, cette vigilance accrue touche des consommateurs totalement innocents, provoquant colère et incompréhension.
Enedis muscle ses contrôles
Pour limiter les fraudes, Enedis a décidé d’élargir sa politique de contrôles. Bertrand Boutteau, directeur programme Pertes et Fraudes, indique : “Déjà cette année, nous avoisinerons les 30 000 contrôles contre 12 000 l’an dernier.” Cette hausse concerne principalement les foyers jugés suspects ou présentant des anomalies de consommation. Selon Enedis, depuis la crise énergétique de 2022, près de 100 000 compteurs auraient été trafiqués, notamment avec des systèmes permettant de faire baisser artificiellement la facture.
Le gestionnaire rappelle que 2,1 millions de Français ont vu leur facture augmenter cet été pour refus du compteur Linky. Mais la politique de contrôle ne se limite plus aux cas avérés : Enedis s’intéresse désormais aux fraudes jugées « quasi certaines » ou « probables ». Une démarche qui inquiète certains consommateurs et associations comme l’UFC-Que Choisir.
Quand l’innocent devient suspect
De nombreux témoignages révèlent que la société accuse parfois des personnes totalement innocentes. C’est le cas de Sylvain V., dont la maison était inhabitée entre 2021 et 2023 et dont les scellés du compteur étaient intacts. Malgré un contrôle sur place confirmant l’absence de fraude, Enedis lui réclame désormais près de 1500 € pour une consommation prétendument réduite et des frais d’intervention du technicien.
Sylvain V. explique : “Je n’ai jamais touché au compteur et ma consommation a même augmenté après l’installation de ma pompe à chaleur.” Un autre exemple est celui de Marie-Isabelle et Hervé P., accusés à tort suite au raccordement de panneaux solaires. Bien qu’innocentés, ils ont reçu un avis de prélèvement de 1359 € plusieurs mois plus tard.
Des procédures parfois contestables
Les courriers d’Enedis laissent souvent peu de place au dialogue. Odile E., accusée elle aussi à tort, témoigne : “Enedis inverse la charge de la preuve. Ce sont aux accusés d’apporter la preuve de leur innocence.” Les consommateurs disposent généralement de 30 jours pour répondre et apporter leurs éléments, mais la pression et la complexité des démarches inquiètent et déstabilisent beaucoup de foyers.
Bertrand Boutteau assure : “Nous nous efforçons à éviter les erreurs, et beaucoup de procédures s’arrêtent après le contrôle sur place de notre agent.” Pourtant, le médiateur national de l’énergie indique que le nombre de saisines pour fraude au compteur Linky a doublé, passant de 100 en 2024 à 200 en 2025. Selon lui, *“dans la quasi-totalité de ces dossiers, la fraude est avérée”*, mais cela ne rassure pas ceux qui sont accusés à tort.
Les conseils de l’UFC-Que Choisir
Face à cette situation, l’UFC-Que Choisir recommande aux consommateurs concernés de ne pas signer le bordereau rectificatif envoyé par Enedis en début de procédure. Jacky Hébert, président de l’association Manche, précise : “Signer ce bordereau pourrait être interprété comme une reconnaissance de la faute. Il est préférable de ne pas le signer et d’apporter des éléments pour étayer sa contestation. Cependant, cela n’empêchera pas le gestionnaire de procéder au redressement pour fraude.”
L’association conseille également de conserver toutes les preuves, factures, relevés et interventions de techniciens. Ces documents sont essentiels pour prouver son innocence et contester une éventuelle accusation injustifiée. La vigilance et la préparation sont les meilleurs moyens pour éviter des litiges coûteux.
Un contrôle nécessaire mais délicat
Enedis affirme vouloir protéger l’ensemble des consommateurs et assurer l’équité du système électrique. Cependant, l’intensification des contrôles et la généralisation des suspicions mettent certains foyers sous pression, parfois à tort. Les procédures se veulent rigoureuses, mais elles soulèvent des questions sur l’équilibre entre lutte contre la fraude et respect des droits des consommateurs.
Entre vigilance légitime et accusations injustifiées, la situation illustre les difficultés rencontrées lorsque la sécurité du réseau se heurte aux réalités des foyers. Pour les utilisateurs, la prudence et la connaissance de leurs droits restent essentielles afin d’éviter que de simples contrôles ne se transforment en lourdes charges financières.