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Vivre sa retraite au soleil, entre Méditerranée et palmiers, fait rêver de nombreux Français. Mais derrière cette image idyllique, se cache une réalité préoccupante : selon le rapport 2025 de la Cour des comptes, la fraude aux pensions versées à l’étranger atteint des montants considérables. Chaque année, des dizaines de millions d’euros disparaissent, principalement en Algérie et au Maroc. Comment ces fraudes se produisent-elles et que compte faire l’État pour y mettre fin ?
La fraude aux retraites à l’étranger : un problème en plein essor
La France verse près de 6 milliards d’euros chaque année à environ 2 millions de retraités vivant hors du territoire national. Beaucoup choisissent des pays d’Europe du Sud ou du Maghreb pour un coût de la vie plus bas et une fiscalité avantageuse. Mais certains exploitent les failles du système.
Le principal problème : le contrôle de l’existence réelle des bénéficiaires reste largement insuffisant. Plus de la moitié des retraités hors de France ne sont pas couverts par des accords d’échange d’état civil avec leur pays de résidence. Conséquences :
- des décès non signalés ;
- des attestations de vie falsifiées ;
- et parfois des identités usurpées pour continuer à percevoir les pensions.
“Des millions d’euros sont versés chaque année à des personnes décédées, simplement faute de vérification fiable”, alerte le rapport.
Comment les fraudes se déroulent-elles ?
Le mécanisme est souvent simple : lorsqu’un retraité décède à l’étranger, l’administration française n’en est pas toujours informée. Les pensions continuent alors à être versées, parfois pendant plusieurs années. Dans certains cas, des proches produisent de faux certificats de vie validés par des autorités locales complaisantes. Parfois, l’identité du retraité décédé est utilisée pour ouvrir un compte bancaire et percevoir la pension.
Selon la Cnav et l’Agirc-Arrco, ces anomalies représentent des dizaines de milliers de dossiers suspects. La cause principale ? Des documents papier, des procédures manuelles et peu d’échanges numériques entre administrations françaises et étrangères.
Le Maghreb en première ligne
La Cour des comptes estime que le Maghreb concentre une part majeure des fraudes. Deux pays se distinguent :
- Algérie : entre 40 et 80 millions d’euros, près de 400 000 retraités français concernés ;
- Maroc : environ 12 millions d’euros, contrôles partiels et certificats difficiles à authentifier.
En Algérie, l’accès aux registres d’état civil reste limité, rendant la vérification quasi impossible. Au Maroc, la coopération avec la France progresse lentement, surtout dans les zones rurales.
Pourquoi les contrôles échouent-ils ?
Le système repose encore sur des pratiques dépassées. Les retraités doivent fournir régulièrement un certificat de vie. Mais :
- ces certificats sont souvent délivrés localement sans authentification ;
- le courrier postal retarde ou empêche les vérifications ;
- les bases de données entre pays ne sont pas connectées.
Résultat : l’administration française navigue à vue. Les organismes de retraite ne connaissent même pas le montant exact des fraudes. “On sait qu’il y a des pertes massives… mais on ne sait pas combien exactement”, souligne le rapport.
Des failles structurelles et diplomatiques
Seuls 47,5 % des retraités bénéficient d’un suivi automatisé grâce aux accords d’échange d’état civil. Pour les autres, aucune donnée fiable ne circule. Ce déficit de coopération empêche de mettre à jour les registres et laisse prospérer les fraudes.
Plusieurs pistes sont envisagées :
- élargir les accords d’échange à davantage de pays ;
- numériser les registres d’état civil à l’international ;
- centraliser les bases de données entre caisses et ambassades.
Des solutions pour limiter les fraudes
La Cour des comptes propose des actions concrètes :
- renforcer la coopération internationale, notamment avec l’Algérie et le Maroc ;
- digitaliser les certificats de vie avec preuve d’identité biométrique ;
- mutualiser les informations entre caisses pour détecter les incohérences ;
- cibler les zones à risque avec des contrôles renforcés ;
- former les agents et moderniser les outils pour repérer rapidement les anomalies.
Un enjeu financier et moral
Chaque euro détourné fragilise la solidarité nationale et nourrit un sentiment d’injustice. “L’objectif n’est pas de stigmatiser les expatriés, mais de garantir que l’argent public parvienne à ceux qui y ont droit, et à eux seuls”, rappelle un membre de la Cour des comptes.
La lutte contre la fraude repose sur trois piliers : coopération internationale, digitalisation et engagement politique. Sans ces mesures, les pertes continueront de se chiffrer en dizaines de millions d’euros par an.
Les retraités et l’État doivent donc travailler main dans la main pour sécuriser un système essentiel, afin que chacun puisse toucher sa pension en toute légitimité.

