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Perdre un proche est déjà un choc émotionnel. Mais pour Bastien, pharmacien dans le sud de Paris, cette douleur a été doublée d’une profonde frustration. Malgré une amitié forte et sincère, il n’a pas pu récupérer l’argent de l’assurance-vie que lui avait léguée sa défunte amie Louise. Retour sur une histoire où la loi et la profession ont eu le dernier mot.
Une amitié née derrière le comptoir
Bastien se souvient avec émotion de Louise : « Louise était une vraie amie et sa mort m’a beaucoup affectée« . Leur lien s’est tissé au fil des années, entre les allées de sa pharmacie. Louise, habitante du quartier, souffrait d’une maladie lourde et venait régulièrement chercher ses médicaments. Mais ces visites n’étaient pas seulement médicales : « Nous sommes devenus amis car elle venait quasiment tous les jours, souvent juste pour discuter et boire un café quand je n’avais pas beaucoup de patients », raconte le pharmacien.
Ce qui frappait Bastien chez Louise, c’était sa solitude. Veuve, avec deux enfants et quelques petits-enfants, elle recevait à peine un appel par an. Bastien l’emmenait parfois dîner pour son anniversaire ou pour Noël, créant ainsi un lien de confiance rare et sincère.
Une assurance-vie pensée pour un ami
Un jour, Louise lui fait une annonce inattendue : elle l’a inscrit comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. En France, lorsqu’une personne souscrit à une assurance-vie, elle peut choisir un ou plusieurs bénéficiaires à qui le capital sera versé après son décès. La clause classique désigne souvent le conjoint ou les enfants, mais il est possible de nommer un ami en précisant son nom, prénom et date de naissance.
Louise ignorait, tout comme son assureur, qu’une telle désignation pouvait poser problème selon la profession du bénéficiaire. Certaines professions, dont celles exercées par Bastien, sont considérées comme incompatibles avec ce type de disposition.
La loi interdit certains bénéficiaires
Lorsque Louise est décédée, Bastien découvre avec consternation que sa désignation avait été annulée. L’argent de l’assurance-vie a été reversé à la succession et a donc bénéficié aux enfants de la défunte. L’article 909 du Code civil explique la situation : « Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux ayant prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne peuvent profiter des dispositions testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur ».
Cette règle ne concerne pas seulement les pharmaciens et médecins. Sont également concernés :
- Les chirurgiens et infirmiers ;
- Les membres de certains cultes religieux ;
- Les mandataires judiciaires protégeant des majeurs sous tutelle ou curatelle ;
- Les conseillers bancaires.
En clair, toute personne susceptible d’exercer une influence sur l’assuré ne peut bénéficier d’un legs ou d’une clause particulière dans une assurance-vie.
Le rôle des héritiers et des contestations
Au-delà des restrictions légales, la loi offre également aux héritiers la possibilité de contester une clause bénéficiaire si elle représente une part importante du patrimoine de l’assuré. Dans le cas de Bastien, cette disposition a été appliquée automatiquement, car l’assurance-vie constituait le capital principal de Louise.
Le pharmacien confie sa déception : « Je n’aurais jamais pensé qu’une amitié sincère puisse se heurter à une loi. J’ai tout perdu, malgré la confiance de Louise« . Ce récit met en lumière les limites du droit face aux liens humains et rappelle l’importance de connaître les subtilités légales avant de rédiger une clause bénéficiaire particulière.
Quand la profession prime sur l’amitié
Cette histoire illustre un dilemme peu connu du grand public : la loi protège l’assuré contre toute pression, même involontaire, de certaines professions. Si Bastien n’avait pas été pharmacien, il aurait pu hériter de son amie. Mais son métier l’a mis hors jeu, malgré des années de complicité et de soutien.
Pour les familles et amis qui envisagent ce type de disposition, il est crucial de se renseigner sur les restrictions légales et d’anticiper les éventuelles contestations. Une simple clause mal rédigée peut transformer un geste d’amitié en frustration juridique.
En définitive, cette histoire rappelle que l’amitié et la générosité ne suffisent pas toujours à traverser les règles strictes du droit. Elle invite à réfléchir à la manière dont on peut protéger ceux qu’on aime, tout en respectant la législation en vigueur. Bastien garde en mémoire le sourire de Louise et les moments partagés derrière son comptoir, même si l’héritage prévu n’a jamais pu être transmis.