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Dans un monde où chaque moteur électrique, chaque éolienne et chaque petit haut-parleur de téléphone dépend d’un aimant puissant, le Japon vient de frapper un grand coup. Des chercheurs de Kyoto ont mis au point une technique capable de récupérer les métaux rares de ces aimants usagés avec une pureté impressionnante, menaçant le quasi-monopole chinois sur ces matériaux stratégiques.
Des aimants à recycler pour sauver la planète
Ces aimants contiennent du néodyme et parfois du dysprosium, essentiels pour produire des moteurs puissants sans en augmenter la taille. Problème : leur extraction est polluante et gourmande en ressources. À Kyoto, les scientifiques ont décidé de changer la donne en imaginant un procédé permettant de récupérer plus de 90 % de ces métaux dans les aimants usagés, avec une pureté remarquable.
Le procédé SEEE : simple et efficace
Cette méthode porte le nom de SEEE, pour Selective Extraction – Evaporation – Electrolysis (Extraction sélective – évaporation – électrolyse). Trois étapes qui ressemblent plus à une expérience de laboratoire zen qu’à une usine chimique géante :
- Première étape : faire fondre un mélange de sels contenant du chlorure de calcium, du magnésium et un peu de fluorure de calcium, dans lequel on plonge les aimants usagés ;
- Deuxième étape : chauffer pour évaporer les résidus inutiles, ne laissant qu’un concentré de métaux précieux ;
- Troisième étape : appliquer un courant électrique pour que chaque métal se dépose sur une électrode spécifique, le néodyme d’un côté, le dysprosium de l’autre.
Le résultat est impressionnant : des métaux purifiés à plus de 90 %, sans acides, sans boue toxique, et avec un procédé relativement simple et propre.
Un recyclage qui arrive au bon moment
La Chine fournit aujourd’hui environ 70 % des terres rares, mais cette extraction endommage les sols, consomme énormément d’eau et génère beaucoup de CO². La demande, notamment pour les voitures électriques, explose. Chaque véhicule peut nécessiter jusqu’à un kilo de néodyme pour ses aimants. Les millions de voitures et les milliers d’éoliennes en fin de vie représentent un gisement potentiel énorme, aujourd’hui traité comme déchet. Avec SEEE, ces « déchets » pourraient redevenir des mines précieuses.
Des méthodes classiques trop lourdes
Avant SEEE, le recyclage reposait sur l’hydrométallurgie : broyage, trempage dans des acides, filtrage, précipitation… un processus long, coûteux et polluant. D’autres techniques utilisent de hautes températures ou des solvants chimiques, tout aussi nocifs. SEEE change la donne en alliant propreté, rapidité et simplicité, sans équipements complexes ni produits dangereux.
Un potentiel bien au-delà des voitures
Les aimants en terres rares se trouvent dans tous les objets modernes : disques durs, drones, IRM, robots, écouteurs, satellites… Le recyclage devient donc stratégique. Les chercheurs japonais ont montré qu’il est possible de récupérer ces métaux facilement et de manière rentable, et la méthode pourrait même s’appliquer au retraitement de combustibles nucléaires.
Un marché mondial fragile
Chaque année, le monde produit plus de 70 000 tonnes de néodyme et environ 2 000 tonnes de dysprosium. La majorité vient d’un seul pays, ce qui rend l’approvisionnement vulnérable. Recycler localement avec un procédé sûr et efficace devient alors une question de sécurité et d’indépendance stratégique. Kyoto prouve qu’il est possible de récupérer ces ressources avec précision, faible impact écologique et flexibilité.
En résumé, cette méthode SEEE promet de transformer les déchets électroniques en mines de métaux précieux, offrant à la fois une solution écologique et un levier stratégique pour réduire la dépendance mondiale à la Chine. La preuve de concept est là, et elle arrive au moment où l’industrie mondiale cherche désespérément des alternatives durables et rentables.