François Bayrou propose de supprimer des jours fériés : Eric Heyer parle d’« une hausse d’impôts déguisée »

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Alors que le gouvernement tente de réduire le déficit, François Bayrou propose de supprimer deux jours fériés pour les salariés : le lundi de Pâques et le 8 mai. L’objectif affiché est de générer 4,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Mais cette mesure suscite déjà de vives critiques et pourrait relancer la contestation sociale dans le pays.

Une mesure contestée dès l’annonce

Le projet de Bayrou ne passe pas inaperçu. Supprimer ces deux jours fériés signifie que les salariés travailleront deux journées supplémentaires sans rémunération directe. Selon Eric Heyer, économiste et directeur du département Analyse et Prévision de l’OFCE, il s’agit d’une hausse d’impôts qui n’en porte pas le nom. Cette mesure est comparable à la journée de solidarité déjà imposée aux salariés ces dernières années.

Deux jours gratuits pour l’État

Concrètement, les entreprises bénéficient d’une main-d’œuvre gratuite pendant deux jours, mais le gouvernement percevra un impôt équivalent sur ces gains. « Dans un premier temps, ce sont les entreprises qui gagnent : elles ont leurs salariés deux jours de plus sans les payer. Mais le gouvernement va imposer un impôt supplémentaire aux entreprises avec une contribution équivalente« , explique Eric Heyer. Avec environ 227 jours travaillés par an, ces deux jours représentent près de 0,8 % de temps de travail, ce qui correspondrait aux 4,2 milliards visés.

Malgré la faisabilité de l’opération, la question de l’équité se pose. « En fait, vous demandez aux salariés de travailler deux jours gratuitement. C’est travailler plus sans gagner plus… sans toucher les recettes de ce travail« , souligne l’économiste.

Une mesure qui pourrait provoquer une grogne sociale

Le contexte politique ne joue pas en faveur du gouvernement. La popularité du Premier ministre est déjà faible, l’accès au chômage a été durci et la réforme des retraites reste controversée. La suppression de ces jours fériés, après la journée de solidarité, pourrait être perçue comme un effort de trop pour les Français.

Une mesure inégalitaire

Eric Heyer pointe aussi le côté inégalitaire de la décision. « Le gouvernement – le Premier ministre le premier – n’arrête pas de répéter que le travail doit payer. Mais il demande ensuite aux salariés de travailler deux jours de plus sans être rémunérés. C’est contradictoire« . Avec une inflation supérieure aux augmentations de salaires depuis la crise énergétique, le pouvoir d’achat des salariés a déjà diminué d’environ 2 %.

L’effort demandé n’est pas le même pour tous : un cadre pourra supporter ces deux jours supplémentaires plus facilement qu’un ouvrier sur un chantier physiquement exigeant. L’expérience de la journée de solidarité a déjà montré cette différence, certaines grandes entreprises préférant payer une taxe plutôt que d’imposer ce jour de travail supplémentaire à leurs employés. « Une personne travaillant dans un grand groupe va sans doute mieux s’en sortir qu’un salarié d’une petite entreprise« , ajoute Eric Heyer.

Une répartition plus équitable de l’effort

L’économiste estime qu’il aurait été plus juste de répartir l’effort sur l’ensemble des citoyens plutôt que de cibler uniquement les salariés. « Nous pouvons considérer que l’Etat a été trop généreux en aides pendant la période de la crise sanitaire et qu’il faut récupérer une partie de ce qui a été donné. Ce qui est étonnant, c’est d’uniquement le demander aux salariés, alors que les aides ont été octroyées à tous« .

Un gouvernement pris à son propre piège

Pour Eric Heyer, la mesure met en lumière une difficulté majeure pour le gouvernement : réduire le déficit tout en respectant l’engagement de ne pas augmenter les impôts. * »C’est une ligne compliquée à tenir lorsque vous voulez réduire les déficits. Les prélèvements obligatoires ont baissé depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. En baissant les impôts, le gouvernement pensait relancer l’activité. Mais cette politique n’a pas eu l’effet escompté. Les recettes ont baissé et le déficit s’est creusé »*, explique l’économiste.

La suppression des jours fériés annoncée par François Bayrou illustre ainsi le dilemme du gouvernement : comment équilibrer le budget tout en maintenant un minimum de justice sociale. Les prochains mois seront décisifs pour mesurer la réaction des salariés et l’impact politique de cette mesure sur le gouvernement.

Si cette proposition passe, elle pourrait marquer un tournant dans la perception des réformes fiscales et sociales, relançant le débat sur le travail, le pouvoir d’achat et l’équité dans la contribution à l’effort national.


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