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- Un chômage des jeunes qui reste deux fois plus élevé que la moyenne
- Des centaines de milliers de jeunes inscrits sans activité
- Le premier emploi, souvent synonyme de précarité
- Un sentiment de déclassement qui abîme le début de carrière
- Une économie ralentie qui mise sur les contrats courts
- Des formations qui ne collent pas toujours aux besoins du terrain
- Jeunes précaires, consommation en berne et économie sous pression
- Pendant qu’on parle retraites, les jeunes restent en arrière-plan
- Vers une “génération de travailleurs intermittents” ?
- Rompre le “pacte de précarité” : des pistes pour changer la donne
Alors que le débat public se concentre sur la réforme des retraites et ses rebondissements politiques, une autre réalité se joue dans l’ombre : celle des jeunes actifs qui peinent à décrocher un premier emploi digne de ce nom. Chômage élevé, contrats précaires, sentiment de déclassement… pour de nombreux moins de 25 ans, l’entrée dans la vie professionnelle ressemble davantage à un parcours du combattant qu’à un tremplin vers l’avenir. Et cette situation touche aussi bien les peu qualifiés que les diplômés.
Un chômage des jeunes qui reste deux fois plus élevé que la moyenne
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au troisième trimestre 2025, le taux de chômage des 15-24 ans atteint 18,8 %, soit plus du double de celui de l’ensemble de la population active, fixé à 7,7 %. Autrement dit, un jeune sur cinq ou presque reste sur le bord de la route au moment d’entrer sur le marché du travail. Ce fossé ne se réduit pas et traduit une fragilité structurelle de cette génération, pour qui l’accès à un emploi stable reste loin d’être garanti.
Des centaines de milliers de jeunes inscrits sans activité
Derrière ces taux, il y a des vies bien réelles. France Travail recense ainsi plus de 542 000 jeunes de moins de 25 ans inscrits sans activité, sur un total d’environ 5,7 millions de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues. La fin de la scolarité ou d’une formation ne rime donc plus automatiquement avec insertion professionnelle. Pour beaucoup, le “premier pas” se fait par la case chômage, avec des mois d’attente, de petits boulots ou de retours forcés chez les parents.
Le premier emploi, souvent synonyme de précarité
Même lorsqu’ils travaillent, les jeunes restent largement cantonnés aux contrats précaires. Plus d’un salarié de moins de 25 ans sur deux est en CDD, en intérim ou en apprentissage. Pour beaucoup, le premier emploi est un contrat court, mal payé, sans visibilité. À cela s’ajoute un autre malaise : une partie des jeunes diplômés a le sentiment d’être “trop diplômée” pour son poste, comme si l’investissement en années d’études n’était pas reconnu ni valorisé dans l’entreprise.
Un sentiment de déclassement qui abîme le début de carrière
Cette double réalité – précarité du contrat et sentiment de déclassement – transforme le premier emploi en expérience frustrante. Au lieu d’être une rampe de lancement, il devient un moment de fragilisation. Difficile, dans ces conditions, de construire une trajectoire professionnelle solide, d’accumuler des droits sociaux, ou de se projeter à long terme. Le message implicite envoyé à toute une génération est clair : il faudra accepter plusieurs années de galère avant d’espérer la stabilité.
Une économie ralentie qui mise sur les contrats courts
Dans un contexte de croissance faible et d’incertitudes économiques, les entreprises hésitent à s’engager sur la durée. La hausse des coûts salariaux, les contraintes budgétaires et un climat d’attentisme poussent les employeurs à privilégier les CDD très courts ou l’intérim, en particulier pour les moins de 25 ans. Résultat : pour absorber les variations d’activité, ce sont les jeunes qui servent de variable d’ajustement, avec des contrats enchaînés sans véritable perspective de CDI.
Des formations qui ne collent pas toujours aux besoins du terrain
Autre problème : le décalage entre les formations suivies et les besoins réels de l’économie. Un an après la sortie des études, une part importante des jeunes occupe un poste sans lien direct avec son diplôme. Les secteurs qui recrutent le plus – hôtellerie-restauration, logistique, services à la personne – sont aussi ceux où les salaires sont plus bas et les contrats plus instables. Beaucoup acceptent des “taf alimentaires” faute de mieux, en mettant entre parenthèses leurs ambitions initiales.
Jeunes précaires, consommation en berne et économie sous pression
Cette crise du premier emploi ne touche pas seulement les individus, elle pèse aussi sur l’ensemble de l’économie. Des jeunes qui enchaînent CDD et missions courtes consomment moins, investissent moins et retardent leurs projets : déménagement, achat immobilier, installation en couple, parentalité. Une partie d’entre eux se retrouve contrainte à une épargne forcée, non par confort mais par peur de l’avenir, car le prochain contrat n’est jamais assuré.
Pendant qu’on parle retraites, les jeunes restent en arrière-plan
La suspension de la réforme des retraites, adoptée mi-novembre 2025, a recentré l’attention sur les seniors, la durée de cotisation et l’équilibre budgétaire. Mais très peu de place est faite aux jeunes qui, eux, peinent déjà à cotiser régulièrement. Comme le résume Jean-Luc Ginder : « Une génération de jeunes qui ne consomme plus, c’est une économie qui vieillit plus vite qu’elle ne croit ». Le risque est clair : en négligeant le premier emploi, on prépare une fracture générationnelle durable.
Vers une “génération de travailleurs intermittents” ?
Si rien ne change, la France pourrait voir s’installer une véritable génération de travailleurs intermittents du salariat. Des jeunes qui passent de mission en mission, d’un CDD à un autre, sans jamais accéder à la stabilité d’un CDI ; des carrières hachées, des droits sociaux incomplets, des retraites fragilisées dès le départ. Là où le premier emploi devrait ouvrir des portes, il en ferme parfois plusieurs, en habituant les jeunes à considérer la précarité comme une norme inévitable.
Rompre le “pacte de précarité” : des pistes pour changer la donne
Pour en sortir, plusieurs leviers sont évoqués : alléger la pression fiscale sur les jeunes actifs aux revenus modestes pour leur permettre de constituer une épargne de départ ; réorienter les aides publiques vers les embauches en CDI plutôt que vers les contrats courts ; renforcer les passerelles entre formation et emploi durable ; et encourager, dans les entreprises, le mentorat et l’accompagnement des premiers pas dans la vie professionnelle. Comme le résume Jean-Luc Ginder : « Il faut rompre le pacte de précarité qui s’est installé entre l’État, les entreprises et la jeunesse ».
Au final, la question dépasse le seul marché du travail : il s’agit de savoir quel avenir la société réserve à sa jeunesse. Tant que la crise du premier emploi restera un angle mort des priorités politiques, les inégalités entre générations continueront de se creuser. Redonner aux jeunes un vrai premier emploi, stable et qualifiant, ce n’est pas un luxe : c’est une condition essentielle pour relancer la confiance, la consommation et la croissance de demain.

