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Alors que les arrêts maladie dans la fonction publique continuent d’augmenter, certaines collectivités locales ont choisi une méthode radicale pour vérifier la bonne foi de leurs agents : faire appel à des détectives privés. Objectif : observer, photographier et constituer des preuves pour détecter d’éventuelles fraudes.
Quand le détective sort de l’imaginaire
Dans l’esprit collectif, le détective privé, c’est souvent l’image d’un personnage avec imperméable et chapeau, appareil photo à la main, traquant un conjoint infidèle ou un suspect insaisissable. Mais dans la réalité professionnelle, sa mission peut prendre une tournure beaucoup plus administrative et stricte.
Certains fonctionnaires en arrêt maladie se retrouvent désormais sous l’œil d’enquêteurs engagés par les collectivités locales. Ces professionnels sont chargés de vérifier si un agent qui perçoit une rémunération pendant son arrêt respecte vraiment les consignes ou s’il exerce en parallèle une activité non autorisée.
Des missions concrètes pour débusquer la fraude
Charles-François Chazit, détective privé, explique à nos confrères de France Info : “On a donc un agent public qui est en arrêt, et qui en parallèle exerce une activité de façon récurrente. Taille de haie, entretien de jardin alors que vous êtes en accident du travail pour un mal de dos…” Ces preuves photographiques ou vidéo permettent ensuite aux supérieurs hiérarchiques de constituer un dossier si besoin.
Des maires qui assument le recours aux détectives
Certains élus n’hésitent pas à reconnaître cette pratique. En 2024, le maire de Sevran, Stéphane Blanchet, avait admis avoir fait appel à un enquêteur : “Quelqu’un qui n’est pas à son poste de travail, ou qui n’est pas en congé longue maladie en train de respecter les consignes mais qui en fait travaille par ailleurs, détourne de l’argent public”. Dans d’autres cas, les collectivités passent par des avocats pour recruter les détectives et jouer l’intermédiaire, souligne Charles-François Chazit.
Une méthode coûteuse et risquée
Ces missions coûtent plusieurs milliers d’euros par enquête et ne sont pas sans danger. Entre 2014 et 2022, les arrêts maladie dans la fonction publique ont augmenté de 80 %. Mais tous les soupçons ne sont pas fondés. Certains élus se sont retrouvés condamnés pour excès de zèle ou harcèlement.
En mai dernier, Serge Bel, maire de Messery, a été reconnu coupable de harcèlement moral envers un ancien policier. Cette affaire rappelle que surveiller des agents en arrêt maladie nécessite prudence et respect de la loi, sous peine de conséquences juridiques pour les employeurs.
Une pratique qui interroge
Si cette stratégie peut sembler efficace pour limiter les fraudes, elle soulève de nombreuses questions éthiques et légales. Entre protection des finances publiques et respect des droits des employés, le recours aux détectives privés reste un terrain sensible.
Pour les fonctionnaires, cette surveillance impose vigilance et transparence dans leurs activités. Pour les collectivités, elle demande un équilibre entre contrôle et respect du cadre légal. La polémique autour de ces pratiques risque de s’accentuer au fil des années, surtout dans un contexte où les arrêts maladie continuent d’augmenter.
En résumé, l’embauche de détectives privés par les collectivités locales pour surveiller des fonctionnaires en arrêt est devenue une réalité. Si elle permet de déceler des fraudes, elle comporte aussi des risques importants pour les employeurs et les agents, tant sur le plan financier que juridique.

