Dix appartements, un CDI… puis le drame : « Je suis devenue squatteuse, ça peut arriver à tout le monde »

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On imagine souvent que posséder plusieurs appartements et avoir un CDI assure une stabilité à toute épreuve. Pourtant, le parcours de Marie Lucchesi prouve le contraire. Cette entrepreneure, qui avait bâti une véritable réussite immobilière, a vu son quotidien basculer brutalement. Son histoire rappelle que même les situations les plus solides peuvent s’effondrer en un rien de temps, et que la frontière entre confort et précarité est parfois bien plus mince qu’on ne le croit.

Quand la réussite s’effondre

Pendant plusieurs années, Marie a vécu avec la certitude que son patrimoine immobilier la protégerait des aléas financiers. Ses dix appartements lui garantissaient des revenus réguliers, auxquels s’ajoutait la sécurité de son emploi en CDI. Un équilibre en apparence parfait, mais qui s’est effrité avec la crise du logement, l’inflation et les retards de loyers.

À mesure que les impayés s’accumulaient, les crédits devenaient plus difficiles à honorer. L’image de stabilité s’est transformée en spirale infernale : dettes bancaires, charges trop lourdes et découragement face à un système où même une situation professionnelle solide ne suffit plus à tout compenser.

Le choc du basculement

Ce qui est arrivé à Marie illustre une réalité souvent méconnue : devenir squatteur ne concerne pas uniquement les personnes marginalisées. En quelques mois, cette femme propriétaire s’est retrouvée dans l’impossibilité de régler son propre loyer. Avec son mari, pourtant salarié, elle a fini par occuper un logement sans droit ni titre. *Je suis devenue squatteuse, ça peut arriver à tout le monde*, confie-t-elle aujourd’hui, consciente du poids du mot mais aussi de sa force.

Cette bascule brutale intervient alors que la loi « anti-squat » de 2023 a rendu les procédures d’expulsion plus rapides. Si certains propriétaires s’en félicitent, d’autres craignent que cette réforme fragilise encore plus les ménages vulnérables. Le cas de Marie incarne cette zone grise : comment passe-t-on de propriétaire respectée à squatteuse en quelques mois à peine ?

Une vie bouleversée

Vivre avec la peur d’une expulsion change tout. L’angoisse quotidienne, la crainte de voir débarquer un commissaire de justice et l’incapacité de se projeter dans l’avenir rongent le moral. Même avec un emploi stable, Marie a ressenti cette honte sourde de ne plus maîtriser sa vie. L’écart entre son image publique – celle d’une femme active et propriétaire – et sa réalité d’occupante sans titre a creusé une blessure intime difficile à refermer.

Elle a multiplié les recours pour sauver son patrimoine, négocié avec les banques, mais la pression financière a fini par avoir raison de ses efforts. Chaque relance accentuait le sentiment de déclassement, chaque courrier administratif rappelait l’ampleur de la chute. Sortir de ce cercle vicieux demande une énergie colossale, alors que les forces s’amenuisent jour après jour.

Réagir malgré tout

Plutôt que de se résigner, Marie a choisi d’affronter la situation. Elle a engagé une procédure pour régler ses dettes et tenter de redorer son image. Elle sait que l’étiquette de squatteuse colle longtemps, mais refuse de se laisser enfermer dans cette case. Ce combat, elle le mène pour elle-même, mais aussi pour montrer que la précarité peut toucher n’importe qui, sans prévenir.

Son message résonne d’autant plus fort que les chiffres sont parlants : en 2024, plus de 24 000 expulsions locatives ont été recensées en France. Derrière ces statistiques, il y a des familles, des salariés, parfois même des propriétaires qui basculent à leur tour.

Derrière le mot « squatteur »

Le terme de squatteur évoque souvent l’image de marginaux profitant du système. Pourtant, l’histoire de Marie démontre que cette vision est réductrice. Devenir squatteuse après avoir possédé dix appartements paraît invraisemblable, et pourtant, c’est le reflet d’un marché du logement en pleine mutation. Aujourd’hui, même les profils les plus stables peuvent être rattrapés par la précarité.

Un divorce, une maladie, un licenciement ou encore la flambée des taux d’intérêt peuvent suffire à tout faire basculer. Beaucoup n’osent pas demander d’aide de peur d’être jugés, et se retrouvent alors dans l’illégalité presque malgré eux. C’est aussi ce que souligne Marie : *Personne n’est à l’abri, il suffit d’un enchaînement malheureux pour tout perdre*.

Les causes d’une chute rapide

Plusieurs facteurs peuvent fragiliser même les situations les plus solides :

  • loyers impayés causés par la faillite d’un employeur ;
  • mauvaise gestion ou absence d’assurances ;
  • explosion des charges liées à l’inflation ;
  • difficultés à revendre un bien quand le marché se retourne ;
  • absence de soutien efficace en cas de coup dur.

Ces éléments, pris séparément ou combinés, suffisent à briser un équilibre financier pourtant jugé stable. L’histoire de Marie révèle ainsi une fragilité sociale qui dépasse largement son cas personnel et reflète un malaise grandissant dans la société française.

Un témoignage qui interpelle

Au-delà de son expérience, Marie Lucchesi envoie un signal fort : la réussite matérielle n’immunise pas contre les revers de la vie. Sa voix rappelle que derrière chaque mot, chaque statistique, il y a des trajectoires humaines. En brisant le silence autour de sa chute, elle contribue à casser les préjugés et à mettre en lumière une réalité trop souvent ignorée : la précarité peut frapper partout, même là où on pense être protégé.

Son récit nous invite à regarder autrement ceux que l’on appelle trop vite « squatteurs ». Car derrière l’étiquette, il y a des vies cabossées, des drames silencieux, mais aussi une volonté de se relever. Et c’est peut-être là que réside la véritable force de son témoignage.


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