Coup dur : en séjour provisoire en Ehpad, elle est accusée à tort d’avoir abandonné son logement

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La question du logement des personnes âgées soulève régulièrement des litiges. Entre propriétaires et familles, les tensions naissent souvent lorsqu’un résident part temporairement en maison de retraite. La justice vient de rappeler une règle essentielle : un placement en Ehpad, même prolongé, ne peut pas être assimilé à un abandon de domicile. Ce rappel concerne directement le droit au transfert de bail, prévu par la loi de 1989, et protège les proches vivant auprès de la personne concernée.

Le principe du transfert de bail

En France, la loi du 6 juillet 1989 encadre les droits des locataires et de leurs proches. L’article 14 stipule que certains membres de la famille peuvent obtenir un transfert de bail à la mort du locataire, à condition d’avoir vécu au moins un an avec lui. Ce droit concerne le conjoint, les enfants, les ascendants, ou encore le partenaire de PACS. Mais ce droit ne s’applique que si le logement n’a pas été abandonné avant le décès.

Et c’est précisément ce point qui faisait débat dans une affaire récente jugée par la Cour d’appel de Paris. L’enjeu : savoir si un séjour en Ehpad pouvait être interprété comme un abandon du logement principal.

Une affaire qui fait jurisprudence

Le cas tranché par la justice est révélateur. Une locataire âgée avait intégré un Ehpad début 2020 pour raisons de santé. Elle y est restée jusqu’à son décès en 2021. Sa fille et son petit-fils, venus vivre avec elle pour l’accompagner, ont ensuite demandé le transfert du bail. Le propriétaire, lui, refusait, estimant que le logement avait été abandonné au profit de l’établissement médicalisé.

L’affaire a donc été portée devant la Cour d’appel de Paris (27 mai 2025, n° 23/02582). Dans sa décision, la juridiction a clairement rejeté l’argument du bailleur. Elle a rappelé que l’abandon de domicile suppose un départ définitif et sans retour. Or, dans ce dossier, la locataire revenait régulièrement dans son appartement et manifestait l’intention d’y retourner un jour de façon permanente.

Une notion d’abandon bien précise

L’avocat Gabriel Neu-Janicki, qui a commenté l’affaire, résume : « L’abandon de domicile suppose un départ définitif. Une hospitalisation ou un placement temporaire ne suffit pas à exclure la cohabitation exigée par l’article 14 de la loi de 1989. »

Autrement dit, même si la personne passe plusieurs mois en Ehpad ou en centre hospitalier, tant qu’il s’agit d’une situation temporaire et qu’elle conserve son logement comme résidence principale, le transfert de bail reste possible pour les proches.

Ce que cela change pour les familles

Cette précision juridique est loin d’être anecdotique. Elle protège les enfants ou petits-enfants qui, par solidarité, viennent s’installer avec leur parent ou grand-parent fragilisé. Désormais, ils ne peuvent pas se voir refuser un transfert de bail au motif que le locataire était hébergé temporairement en établissement médicalisé.

En clair, un propriétaire ne peut pas se servir du placement en Ehpad comme d’un prétexte pour mettre fin au bail et récupérer son logement. La cohabitation reste reconnue si elle a duré plus d’un an avant le décès.

Un rappel important pour les bailleurs

Pour les propriétaires, cette décision rappelle qu’il faut distinguer deux réalités :

  • un départ définitif, qui peut justifier la fin du bail ;
  • un séjour temporaire en établissement, qui ne rompt pas les droits du locataire ni ceux de ses proches.

Les juges privilégient une approche humaine et pragmatique, en tenant compte de la situation réelle du locataire et de sa volonté de conserver son logement.

Un équilibre entre droit et solidarité

Avec le vieillissement de la population, ces litiges risquent de se multiplier. La décision de la Cour d’appel vient clarifier un point essentiel : la loi protège non seulement les personnes âgées, mais aussi leurs familles qui assument un rôle d’aidants. Elle rappelle que la notion d’abandon ne doit pas être interprétée de manière abusive par les bailleurs.

En définitive, ce jugement souligne un principe simple : le droit au logement reste au cœur de la solidarité nationale. Même face aux aléas de la vieillesse, les règles de justice doivent garantir une certaine continuité et préserver la dignité des familles.


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