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À La Ville-ès-Nonais, une habitante n’a jamais baissé les bras. Après des années de procédures, elle vient d’obtenir l’annulation du permis de construire de plusieurs bâtiments agricoles, malgré le soutien initial de la justice au groupement agricole. Retour sur un bras de fer juridique hors norme.
Une lutte acharnée pour le voisinage
Tout a commencé il y a plusieurs années lorsqu’un groupement agricole, le Gaec de la Haute-Motte, a obtenu l’autorisation de construire 4 bâtiments de 400 m² destinés à l’élevage de poules Label rouge. Chaque structure devait accueillir jusqu’à 4 400 poules, avec des espaces extérieurs adaptés à la production. Le projet, situé à proximité immédiate des habitations de certains riverains, a rapidement suscité des inquiétudes.
Une voisine déterminée s’est associée à une quinzaine de voisins pour contester le projet. Ensemble, ils ont engagé plusieurs recours, affirmant que la construction pourrait avoir des impacts sur l’environnement, le patrimoine local et la qualité de vie du voisinage. Cependant, chaque décision judiciaire initiale leur a été défavorable :
- En 2020, le juge des référés a validé le projet ;
- En 2021, le Conseil d’État a confirmé la légalité du permis ;
- En 2023, le tribunal administratif a à nouveau donné raison au Gaec.
Ces verdicts ont permis aux éleveurs de lancer la construction. Mais la riveraine n’a jamais lâché l’affaire et a décidé de porter l’affaire en appel, quand les autres plaignants avaient abandonné.
Une décision surprenante en appel
La cour administrative d’appel de Nantes a finalement annulé le permis délivré le 30 juillet 2020 par la commune. Selon Ouest-France, la rapporteure publique a avoué quelques « hésitations » avant de rendre sa décision. Ce qui a fait pencher la balance ? Le fait que le poulailler se situe sur un espace proche du rivage, entre 700 et 1 000 mètres, séparé seulement par des parcelles agricoles ou naturelles peu boisées. La cour estime qu’un tel bâtiment n’est pas justifié à cet endroit.
Cette décision met un coup d’arrêt à plusieurs années de procédures et pose de nouvelles questions pour le Gaec et les habitants. Les bâtiments, déjà construits, restent aujourd’hui dans une zone juridique incertaine.
Un 5ᵉ ou 6ᵉ round judiciaire ?
Le Gaec de la Haute-Motte ne compte pas s’arrêter là. L’un des gérants a annoncé à la presse qu’un pourvoi devant le Conseil d’État serait envisagé. Selon lui, le soutien de la population locale et des confrères éleveurs pourrait jouer en leur faveur.
Du côté de la mairie, aucune position officielle n’a encore été dévoilée. Le maire a précisé qu’il attendait d’échanger avec l’avocat de la commune avant de se prononcer. Quant à la question de la démolition des bâtiments, elle relèverait d’une juridiction judiciaire et non administrative, laissant la porte ouverte à un possible sixième procès.
Un dossier hors norme
Ce cas illustre parfaitement la complexité des conflits entre agriculture intensive et voisinage. Il montre également qu’une seule personne déterminée peut influer sur des décisions qui semblaient acquises, même après plusieurs années de procédures et des verdicts favorables aux éleveurs.
Pour les habitants et les professionnels, cette affaire soulève des interrogations sur :
- La légitimité de certaines implantations agricoles proches des habitations ;
- Les limites des recours juridiques face à un projet validé initialement ;
- La durée et le coût des procédures pour tous les acteurs impliqués.
Si la voisine a réussi à obtenir gain de cause, le chemin juridique reste loin d’être terminé. Les prochains mois pourraient déterminer l’avenir du poulailler et établir un précédent pour d’autres projets similaires. En attendant, les habitants observent avec attention, conscients qu’un petit poulailler peut devenir le centre d’un long bras de fer judiciaire.
Cette affaire rappelle que la persévérance et la connaissance du droit peuvent faire bouger les lignes, même face à des projets agricoles d’envergure et des décisions favorables initiales. Pour le Gaec et les habitants, l’histoire est loin d’être close.

