Coup de théâtre : il demande 10 530 € de loyers impayés, mais la justice l’oblige à payer 12 800 € à ses locataires !

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Gérer un logement en location peut parfois tourner au cauchemar, même pour des propriétaires expérimentés. L’affaire relatée par Samuel Zeitoun, avocat au barreau de Paris, illustre à quel point il est crucial de respecter scrupuleusement les obligations légales du bail, pour le bailleur comme pour le locataire.

Un bail qui dérape

En 2020, un propriétaire remet en location un studio de 26 mètres carrés en région parisienne. Loué à un couple pour 800 euros par mois, le logement devient rapidement source de tensions. Après un an et demi, les locataires cessent de payer leur loyer. Le bailleur envoie alors un premier commandement de payer, resté sans effet, suivi d’un second en 2023, réclamant 10 530 euros, correspondant à plus d’un an d’impayés. Face à cette situation, il active la clause résolutoire du bail, qui permet de résilier le contrat en cas de loyers impayés.

Les locataires, cependant, ne se laissent pas faire et assignent le propriétaire en justice, transformant un simple litige locatif en affaire judiciaire.

Une suroccupation qui change tout

Le juge confirme que la dette locative n’a pas été réglée dans le délai légal de deux mois et que la clause résolutoire s’applique. Le bail est donc résilié et les locataires doivent quitter le studio. Pourtant, le propriétaire est condamné à verser 12 800 euros à la famille. Comment expliquer ce retournement ?

Ce propriétaire demandait habituellement une fiche de renseignements facultative. Sur ce document, seul le couple apparaissait, mais finalement, ils se sont installés avec deux enfants, et la locataire était enceinte du troisième.” raconte Samuel Zeitoun, avocat. Une famille bien trop nombreuse pour un studio de 26 mètres carrés. La situation attire l’attention de la Caisse d’allocations familiales (Caf), qui demande en 2021 une vérification de l’état de décence du logement.

L’expertise révèle une suroccupation manifeste et un logement inadapté à la famille : pour quatre personnes, la surface minimale recommandée est de 34 mètres carrés, contre 26 disponibles. Mais ce n’est pas tout : la Caf relève également plusieurs manquements à la décence, comme :

  • Absence de ventilation ;
  • Présence d’humidité ;
  • Installation électrique dangereuse ;
  • Non-conformité générale du logement.

Ces défauts entraînent un préjudice de jouissance pour les locataires, donnant droit à des indemnités. La Caf suspend alors les aides au logement et met le propriétaire en demeure de réaliser les travaux. Néanmoins, l’indécence du logement ne dispense pas les locataires de payer leur loyer.

Le propriétaire en tort malgré sa bonne foi

L’avocat du bailleur précise : “Nous avons invoqué la mauvaise foi du locataire. On ne peut pas reprocher une suroccupation qu’il a cachée.” Malgré cela, le juge présume la bonne foi des locataires et reconnaît le préjudice de jouissance. Le propriétaire doit donc verser 12 800 euros, même si les loyers impayés restent dus jusqu’au départ effectif des locataires.

Le juge souligne que le propriétaire n’a entrepris aucune démarche pour remédier à la situation, notamment pour régler les problèmes d’humidité. L’argument selon lequel la suroccupation était à l’origine des dégradations n’a pas été jugé recevable. Le propriétaire voulait réaliser les travaux lui-même, mais le locataire refusait l’accès,” explique Maître Zeitoun. La justice considère néanmoins que cette négligence ne peut exonérer le bailleur de sa responsabilité.

Une compensation complexe

Au moment du jugement, la dette locative atteint 11 552 euros. Après déduction des 4 976 euros d’aides au logement non perçues suite à la déclaration d’indécence, le solde restant dû par les locataires est de 6 576 euros. Comme le propriétaire doit verser 12 800 euros, le solde net en faveur des locataires dépasse les 6 000 euros.

Finalement, le propriétaire n’a jamais eu à verser cette somme, les loyers restant exigibles jusqu’au départ définitif de la famille. Les locataires ont été expulsés et un logement social leur a été attribué par la suite.

Cette affaire rappelle qu’un bailleur doit toujours s’assurer de la conformité de son logement et respecter les obligations légales, même face à des locataires de mauvaise foi. La prudence et la vigilance restent les meilleurs alliés pour éviter des surprises financières inattendues.


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