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De nombreux foyers français vont bientôt recevoir un courrier pas comme les autres. Enedis, le gestionnaire du réseau électrique, annonce une intensification massive des contrôles de compteurs Linky dans tout le pays. Une opération d’ampleur qui risque d’en surprendre plus d’un, surtout ceux qui refusent l’accès aux techniciens.
Un courrier qui inquiète les ménages
Les prochaines semaines s’annoncent mouvementées pour les détenteurs d’un compteur Linky. Enedis prévoit d’envoyer des milliers de lettres d’ici la fin de l’année ou début 2026. Dans cette enveloppe, un message au ton sérieux : il est question d’un contrôle du dispositif de comptage. L’entreprise y évoque même une « succession d’événements caractéristiques d’une situation de fraude » et avertit le destinataire qu’un technicien viendra prochainement chez lui.
De quoi faire froid dans le dos à bien des ménages. Car le courrier précise aussi les conséquences d’un refus de visite : si le technicien se voit interdire l’accès au compteur, l’électricité pourrait être coupée sous dix jours. Une mesure radicale, mais que l’entreprise juge nécessaire pour lutter contre la fraude croissante.
Les contrôles explosent dans tout le pays
Depuis 2024, Enedis a doublé les moyens consacrés à la vérification des compteurs. Le nombre de contrôles Linky est passé de 12 000 à 30 000 par an en seulement un an, et la tendance ne fait que s’accélérer. L’entreprise a également renforcé ses effectifs : de 250 agents mobilisés en 2024, on en compte désormais près du double en 2025. Et ce n’est qu’un début : 2026 devrait marquer une nouvelle étape dans cette campagne nationale.
Cette montée en puissance n’est pas un hasard. Enedis dit constater une explosion des fraudes à l’électricité depuis 2022. Le préjudice serait estimé à plus de 250 millions d’euros. Un montant colossal, qui justifie selon elle un contrôle accru du réseau et des foyers.
Des techniques de fraude de plus en plus sophistiquées
Les fraudeurs rivalisent d’imagination pour tromper le compteur Linky. Le principe est souvent le même : détourner une partie de l’énergie consommée grâce à un câble dissimulé. Résultat, la facture peut être réduite jusqu’à 70 %. Ces combines circulent ouvertement sur les réseaux sociaux, où certains individus proposent même leurs services pour quelques centaines d’euros, promettant des économies illégales sur les factures d’électricité.
Mais cette chasse aux fraudeurs n’est pas sans conséquences pour les honnêtes consommateurs. Car dans sa volonté de traquer les tricheurs, Enedis reconnaît que certaines situations peuvent être mal interprétées. Et ce sont alors des foyers parfaitement réguliers qui se retrouvent accusés à tort.
Des clients pris pour des fraudeurs
Début juillet 2025, l’association UFC-Que Choisir a été saisie par plusieurs ménages s’estimant injustement visés par Enedis. Son président, Jacky Hébert, alerte sur une dérive inquiétante : « Les personnes reçoivent un courrier les accusant de fraude et doivent ensuite prouver leur innocence. C’est pourtant à l’entreprise de démontrer qu’il y a eu manipulation. »
Selon lui, la procédure inverse le principe de présomption d’innocence et plonge les consommateurs dans une situation stressante. Certains découvrent même qu’ils doivent payer plusieurs centaines ou milliers d’euros sans comprendre pourquoi.
Un exemple révélateur : l’histoire de Sylvain
Le cas de Sylvain V., 64 ans, illustre bien cette complexité. Il a reçu un courrier d’Enedis après une forte baisse de sa consommation entre 2021 et 2023. Soupçonné de triche, il a vu débarquer un technicien, puis reçu une facture salée : 1 500 euros pour « régularisation ». Problème : le logement concerné appartenait à sa mère, décédée en 2020, et était resté vide jusqu’à ce qu’il s’y installe en 2023.
Un malentendu qui lui a coûté cher, et qui n’est pas un cas isolé. Plusieurs consommateurs affirment avoir connu des situations similaires, provoquant une véritable perte de confiance envers le dispositif.
Une bataille entre sécurité et confiance
Pour Enedis, ces contrôles renforcés sont indispensables. L’entreprise insiste sur le fait que chaque visite se fait sur rendez-vous et que les techniciens sont identifiables. Leur mission : vérifier le bon fonctionnement du compteur et garantir l’équité entre tous les usagers.
Mais du côté des associations, on demande plus de transparence et de dialogue. Beaucoup estiment que la communication d’Enedis reste trop opaque, et que la crainte de la coupure d’électricité pèse lourdement sur les ménages modestes. Les experts rappellent d’ailleurs que refuser un contrôle peut avoir de lourdes conséquences : coupure, pénalités, voire contentieux.
Vers un climat de méfiance ?
Alors que près de 39 millions de foyers sont équipés d’un compteur Linky, la question de la confiance entre Enedis et les usagers se pose plus que jamais. Si la lutte contre la fraude est légitime, le risque d’erreur demeure bien réel. Et chaque nouveau courrier envoyé par l’entreprise ravive les inquiétudes de ceux qui redoutent d’être injustement pointés du doigt.
En attendant, mieux vaut se préparer : les agents d’Enedis vont poursuivre leur tournée dans les mois à venir. Et pour ceux qui refuseraient de les accueillir, la sanction pourrait être immédiate… et brutale.

