Afficher les titres Masquer les titres
Recevoir un courrier officiel d’Enedis vous accusant de fraude au compteur et vous réclamant une somme conséquente, c’est la mésaventure que vivent certains Français. Alors que le gestionnaire de réseau intensifie la lutte contre le vol d’électricité, des particuliers honnêtes se retrouvent parfois pris au piège d’une procédure automatisée et opaque.
Une riposte massive face à la fraude
Depuis plusieurs années, le piratage de compteurs Linky se développe sur les réseaux sociaux. Des fraudeurs proposent pour quelques centaines d’euros des dispositifs permettant de consommer de l’**électricité** sans qu’elle ne soit comptabilisée. Enedis estime qu’en trois ans, près de 100 000 compteurs ont été touchés, représentant des pertes de centaines de millions d’euros. Bertrand Boutteau, directeur du programme Pertes et Fraude chez Enedis, rappelle : « Cette électricité volée est réglée par les non-fraudeurs, via le Turpe, payé par tous les utilisateurs ».
Pour enrayer ce phénomène, Enedis a considérablement intensifié ses contrôles. Après 12 000 vérifications en 2024, l’entreprise vise 30 000 inspections pour 2025. Une action nécessaire mais qui entraîne des effets secondaires sur des usagers qui n’ont rien à se reprocher.
Quand l’algorithme désigne des innocents
Le véritable changement ne réside pas seulement dans le volume des contrôles, mais dans leur nature. Enedis ne se limite plus aux fraudes certaines, elle cible désormais les cas jugés « quasi-certs » ou même simplement « probables ». Cette approche élargit le risque d’erreurs, les fameux « faux positifs ».
Pour le consommateur, le processus est souvent opaque. Une variation de consommation, un événement technique sur le compteur… et la machine s’enclenche. Les courriers reçus évoquent des « événements » sans plus de détails, laissant peu de place à la contestation. L’UFC-Que Choisir dénonce un renversement de la charge de la preuve : ce n’est plus à Enedis de prouver la fraude, mais au consommateur de démontrer son innocence.
Des situations kafkaïennes
Les témoignages se multiplient. Sylvain, 64 ans, reçoit une facture de rattrapage de plus de 1 000 euros pour une fraude présumée alors que sa maison était inhabitée à cette période. Un technicien a constaté que les scellés étaient intacts, mais la procédure a suivi son cours.
Autre exemple, Marie-Isabelle et Hervé, dans l’Eure, reçoivent un courrier leur réclamant 1 359 euros pour une manipulation du compteur datée du 3 mai 2023. Or ce jour-là, un technicien est intervenu pour raccorder leurs panneaux solaires. Selon eux, l’agent n’avait pas le matériel pour reposer le plomb, et cette intervention technique est devenue une accusation de fraude. Jacky Hébert, président de l’UFC-Que Choisir Manche, explique : « Coup sur coup, début juillet, j’ai reçu trois cas d’accusations invraisemblables de fraude au compteur ».
Les recours possibles
Face à ces situations, les ménages disposent de quelques solutions :
- Contacter immédiatement Enedis pour demander des explications détaillées ;
- Rassembler toutes les preuves techniques (factures, relevés, interventions) ;
- Faire appel au Médiateur national de l’énergie en cas de désaccord ;
- Se rapprocher des associations de consommateurs comme l’UFC-Que Choisir pour obtenir un soutien juridique.
Le Médiateur note que le nombre de litiges liés à ces accusations a doublé en un an, passant de moins de 100 en 2024 à près de 200 en 2025. Il précise toutefois que « dans la quasi-totalité de ces dossiers, la fraude est avérée ». Pour ceux injustement accusés, la statistique importe peu : ce sont leurs vies et leur budget qui sont bouleversés.
Un équilibre délicat à trouver
La lutte contre la fraude est indispensable pour protéger les consommateurs honnêtes, mais l’intensification des contrôles et l’usage d’algorithmes sensibles peuvent mettre en danger la présomption d’**innocence**. Chaque courrier reçu par erreur peut générer stress, inquiétude et démarches longues pour prouver sa bonne foi.
Enedis se trouve donc face à un dilemme : traquer efficacement les fraudeurs tout en évitant de pénaliser ceux qui n’ont rien à se reprocher. La vigilance et la documentation restent les meilleurs outils pour les particuliers confrontés à ce type de situation.