Chaque année, les routes voient trop souvent des accidents impliquant des conducteurs âgés. En 2024, les plus de 75 ans comptaient pour une part importante des victimes et des responsables d’accidents graves. Face à cette réalité, une nouvelle loi visant à instaurer une visite médicale obligatoire pour tous les seniors se fait doucement une place dans le débat public. Cette mesure, qualifiée de « bon sens » par ses défenseurs, soulève aussi des questions sur la stigmatisation des personnes âgées. Retour sur ce dossier sensible qui divise mais progresse.
Des accidents trop fréquents, des drames qui marquent
Les faits parlent d’eux-mêmes : un nonagénaire qui percute la terrasse d’un restaurant à Narbonne et blesse treize personnes ; un septuagénaire qui entre en voiture dans une boulangerie à Warmeriville et provoque huit blessés ; un conducteur octogénaire qui perd le contrôle et blesse un couple de retraités. Ces récits tragiques s’accumulent et touchent particulièrement Pauline Déroulède. Cette championne paralympique de tennis a perdu sa jambe gauche en 2018, renversée par un homme âgé ayant confondu accélérateur et frein. Elle décrit ce drame comme une répétition constante : « J’ai l’impression de relire mon accident à chaque fois ».
Que prévoit la loi actuelle en France ?
À l’heure actuelle, en France, la visite médicale obligatoire concerne seulement les personnes souffrant de certaines pathologies incompatibles avec la conduite, ou celles qui doivent récupérer leur permis après une suspension ou une invalidation. La proposition de loi déposée en mars 2025 par le député Frédéric Valletoux veut changer la donne. Elle impose un certificat médical dès l’obtention du permis, à renouveler tous les 15 ans jusqu’à 70 ans, puis tous les 5 ans après cet âge.
Pour le parlementaire, « il faut qu’on puisse maintenant traduire dans la loi cette idée de bon sens ». Ce combat vise à étendre ces visites médicales à tous les conducteurs, pas seulement aux seniors. Comme le souligne Pauline Déroulède, « on n’est pas tous égaux, et c’est bien pour ça qu’il faut une visite pour tout le monde, même si on parle souvent des seniors ».
Le débat sensible autour des seniors au volant
Si la sécurité routière est au cœur des préoccupations, ce dossier ravive aussi la peur d’une stigmatisation des personnes âgées. Le permis de conduire est un élément essentiel de leur autonomie et de leur bien-être. De nombreuses associations insistent sur l’importance de favoriser l’auto-évaluation plutôt que d’imposer des restrictions trop strictes, qui risqueraient d’isoler encore davantage les seniors.
Pour eux, maintenir la capacité de déplacement libre des personnes âgées est une nécessité sociale. Pourtant, les chiffres ne mentent pas : selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, en 2024, les conducteurs de plus de 75 ans représentent 17 % des personnes tuées sur la route et 12 % des présumés responsables d’accidents mortels.
Des statistiques alarmantes mais peu détaillées
Les causes des accidents mortels sont multiples : 14 % sont liés à l’inattention, 10 % à des malaises, 4 % à des erreurs de conduite comme les contresens. Mais les données spécifiques sur l’incapacité à conduire correctement sont rares. Pourtant, ces chiffres interpellent. Ils poussent à réfléchir sur la nécessité d’un contrôle médical plus régulier et rigoureux, en particulier pour les conducteurs âgés, afin d’éviter des drames qui pourraient être évités.
Une mesure de bon sens face à un enjeu de sécurité publique
Ce projet de loi, bien que débattu, s’appuie sur une logique simple : mieux contrôler la santé des conducteurs, surtout en vieillissant, pour protéger tous les usagers de la route. Pauline Déroulède n’a pas oublié son agresseur, « un monsieur conscient de ce qu’il avait fait et qui aurait pu éviter son accident s’il avait passé une visite médicale ». C’est ce message que défendent aujourd’hui les promoteurs de la visite d’aptitude obligatoire.
Au final, cette réforme vise à responsabiliser tous les conducteurs, quel que soit leur âge, pour éviter des tragédies évitables et assurer une meilleure sécurité sur nos routes.
Le sujet reste délicat car il touche à la fois à la sécurité publique et à la dignité des personnes âgées. Trouver le juste équilibre entre vigilance et respect est au cœur des débats actuels. La route de cette réforme est encore longue, mais le cap est fixé : mieux prévenir pour sauver des vies.