Afficher les titres Masquer les titres
Le Luxembourg, souvent présenté comme l’un des pays les plus riches du monde, fait face à un défi majeur : assurer sa croissance économique tout en compensant les départs massifs à la retraite. Selon les projections de la sécurité sociale luxembourgeoise, 335 000 emplois devront être pourvus d’ici 2040. Cette situation inquiète autant les employeurs que les frontaliers, notamment les Français de Lorraine, qui jouent un rôle central dans le marché du travail luxembourgeois.
Une pénurie de main-d’œuvre préoccupante
Pour Emmanuel Bouard et d’autres experts, la situation est claire : le Luxembourg dépend largement des travailleurs étrangers pour fonctionner. Sur les 490 165 salariés du pays, seuls 26 % sont des Luxembourgeois, 47 % sont des frontaliers et le reste des résidents étrangers. La chambre de commerce souligne que le pays « ne se renouvelle pas par lui-même » et doit attirer des talents extérieurs pour survivre économiquement.
Cette dépendance est déjà perceptible dans des secteurs comme l’événementiel. Un chef d’entreprise installé depuis 15 ans au Luxembourg confie : « Pour ma dernière prestation, j’ai dû faire venir des salariés espagnols, directement de Madrid. Il n’existe aucune filière de formation au Luxembourg pour le spectacle, et tous les bons professionnels dans les pays limitrophes sont déjà sous contrat. » Résultat : certaines prestations doivent être refusées faute de techniciens compétents.
Des besoins massifs d’ici 2040
L’Inspection générale de la sécurité sociale du Luxembourg estime qu’entre 2022 et 2040, le pays devra pourvoir 335 000 postes. Parmi eux, 155 000 sont de nouveaux emplois et 180 000 concernent le remplacement des départs à la retraite. La population active totale passerait ainsi de 490 000 à 645 000 personnes.
Cette demande se heurte à des lacunes persistantes dans certaines filières. La santé, la défense, la finance ou les technologies de l’information et de la communication connaissent déjà des pénuries de personnel. Les formations locales restent insuffisantes, ce qui pousse le pays à dépendre fortement des frontaliers et des expatriés.
Le défi des frontaliers et des talents internationaux
Le modèle transfrontalier montre ses limites. La chambre de commerce souligne que les obstacles sont nombreux : transports complexes, hausse du prix de l’immobilier en Lorraine et formations mal adaptées au marché luxembourgeois. Ces contraintes freinent le recrutement de professionnels qualifiés, malgré l’attractivité financière du pays.
La compétition internationale pour les talents est rude. Si 43 % des Européens et 52 % des Américains seraient prêts à déménager pour une meilleure qualité de vie, seuls 18 % envisageraient le Luxembourg. La Suisse attire 40 % des talents, le Royaume-Uni 36 % et la France 33 %. Le turnover reste élevé, et le solde migratoire n’est que légèrement positif avec 9 281 personnes supplémentaires en 2024.
Les recommandations pour sécuriser l’emploi
Pour répondre à ces défis, la chambre de commerce a présenté 34 recommandations destinées à renforcer l’attractivité et la rétention des talents. Parmi elles figurent :
- le recours accru à l’intelligence artificielle ;
- l’élargissement du télétravail, actuellement limité à 34 jours par an pour les frontaliers lorrains ;
- la prolongation progressive de l’âge de départ à la retraite, fixé en moyenne à 59,5 ans ;
- la création de nouvelles filières de formation pour des secteurs clés ;
- la simplification des procédures pour attirer des travailleurs étrangers.
L’objectif est double : assurer le remplacement des départs à la retraite et combler les besoins des nouveaux postes liés à la croissance économique.
Un pays qui doit se réinventer
Le Luxembourg bénéficie d’une forte prospérité et d’un niveau de vie élevé, mais ces chiffres montrent que l’avenir repose sur sa capacité à attirer et retenir des talents. Sans adaptation, la pénurie de main-d’œuvre pourrait ralentir le développement économique et limiter l’innovation dans des secteurs stratégiques.
Pour les entreprises et les frontaliers, il est crucial de suivre les évolutions des politiques de formation et de recrutement. La planification, l’adaptation des compétences et la mobilité internationale seront au cœur de la stratégie pour répondre à ces 335 000 emplois à pourvoir d’ici 2040.
Le Grand-Duché a donc un message clair : attirer les talents n’est pas une option, c’est une nécessité. Pour les frontaliers et professionnels européens, la vigilance et la préparation restent essentielles pour profiter de ces opportunités dans un marché du travail en pleine mutation.

