« Un guichet automatique » : l’État a injecté des milliards dans les entreprises grâce à des aides et avantages fiscaux

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En France, chaque année, des milliards d’euros sont versés aux entreprises, mais qui en profite vraiment ? Un livre-enquête publié par Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre du Nouvel Obs dénonce un véritable guichet automatique : des aides massives distribuées aux sociétés pendant que de nombreux salariés restent inactifs.

Des aides colossales aux entreprises

Les auteurs révèlent que l’État français accorde près de 270 milliards d’euros par an aux entreprises, un chiffre jamais rendu public auparavant. Ce montant dépasse largement les estimations précédentes et celles du Sénat, qui évoquait 211 milliards en 2023. Pour mettre les choses en perspective, les dépenses de santé s’élevaient à 249 milliards la même année.

Ces aides comprennent divers dispositifs : prêts garantis par l’État ; subventions ; exonérations fiscales ; primes diverses. Depuis les années 1990, le volume a explosé, passant de 30 milliards à un niveau inédit. Les auteurs dénoncent le manque d’évaluation de l’efficacité de ces aides, transformant l’État en un véritable guichet automatique.

Covid-19 et boom des subventions

La crise sanitaire a amplifié ce phénomène. Face aux difficultés économiques, le gouvernement et la Banque centrale européenne ont injecté des sommes colossales. Si certains salariés ont été mis au chômage partiel, plusieurs entreprises ont continué à distribuer des dividendes. Les journalistes citent quatorze sociétés du CAC 40 ayant procédé ainsi.

Cette politique a renforcé l’enrichissement des plus grandes fortunes. Entre 2020 et 2021, le patrimoine des milliardaires français a bondi de 86 %, selon France Info, soulignant le décalage entre aides publiques et redistribution sociale.

Une fiscalité favorable aux riches

Le livre met en lumière l’inégalité fiscale. Les exonérations patronales ont diminué, passant de 45 % du salaire brut au Smic en 1993 à seulement 6,9 % en 2024. En parallèle, la contribution fiscale des ménages a doublé en trente ans, alors que l’impôt sur les sociétés ne représente plus que 5 % des recettes publiques.

Les auteurs dénoncent également la banalisation de l’optimisation fiscale. Holdings, délocalisations et niches fiscales permettent aux familles fortunées d’échapper partiellement à l’impôt. En 2021, le manque à gagner pour l’État est estimé à plus de 40 milliards d’euros.

Déficit public et alertes ignorées

Le livre s’intéresse aussi à la gestion du déficit public. Une lettre envoyée par Bruno Le Maire à Emmanuel Macron en 2024 alertait sur une dégradation « explosive » de la dette et des prévisions jugées « irréalistes ». Ces alertes n’auraient pas été suffisamment prises en compte, suscitant des critiques parmi les hauts fonctionnaires de Bercy.

Des aides qui creusent les inégalités

Les aides massives et la fiscalité avantageuse ont un double effet : soutenir les entreprises et enrichir disproportionnellement les plus grandes fortunes. Pendant que des salariés restent au chômage partiel, le système profite surtout à ceux qui savent exploiter les dispositifs fiscaux existants.

Les entreprises les mieux armées tirent profit des exonérations et des prêts publics, alors que les plus petites restent souvent exclues ou mal informées. Les auteurs insistent sur le fait que ces pratiques renforcent la concentration des richesses et aggravent les inégalités sociales.

Une transparence qui fait défaut

Jusqu’ici, l’État n’avait jamais communiqué le montant total de ces aides, justifiant la complexité des dispositifs. Le livre montre que la compilation d’exonérations, abattements et primes diverses est possible, mais rare. Cette opacité nourrit le sentiment d’injustice parmi les citoyens et alimente le débat sur la redistribution équitable des fonds publics.

Ce que révèle cette enquête

L’ouvrage met en lumière plusieurs points cruciaux :

  • Les milliards d’aides sont distribués sans évaluation sérieuse de leur efficacité ;
  • Les crises, comme le Covid-19, servent à injecter des fonds massifs ;
  • La fiscalité avantage les grandes entreprises et les familles fortunées ;
  • Le déficit public est suivi de près mais les alertes ne sont pas toujours prises en compte ;
  • L’opacité sur les aides entretient les inégalités et le ressentiment social.

Pour les citoyens, cette enquête rappelle que vigilance et transparence sont essentielles. Les aides publiques ne bénéficient pas toujours aux plus vulnérables et soulignent l’importance d’un débat public sur l’usage de l’argent de l’État.

Les journalistes espèrent que leur livre permettra de mieux comprendre ces mécanismes et de susciter des réformes pour que les aides profitent réellement à l’économie et à l’ensemble des Français.


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