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Aux États-Unis, le célèbre « penny » vit probablement ses derniers jours. En France, on s’interroge aussi sur l’avenir des pièces rouges : ces pièces de 1 et 2 centimes d’euros qui finissent bien souvent au fond d’un tiroir ou d’un bocal. Doivent-elles continuer à exister malgré leur coût de production élevé et leur usage décroissant ? Le débat refait surface, et les arguments en faveur d’un retrait se multiplient.
Des pièces peu pratiques, souvent ignorées
Depuis quelques années, l’usage des paiements en espèces recule en France. En 2024, pour la première fois, la carte bancaire est devenue le mode de paiement préféré, représentant 48 % des transactions du quotidien, contre 43 % pour les espèces. Une vraie bascule dans les habitudes des Français.
Et au sein même de la monnaie sonnante et trébuchante, les petites pièces rouges font grise mine. Morgan Reyrolle, directeur opérationnel de Coinstar France, observe : « Ça prend de la place, ça abîme le porte-monnaie et ça n’a pas grande valeur, donc on les laisse chez soi. » Difficile de le contredire : on a tous ce pot rempli de 1 et 2 centimes qui dort depuis des années.
Selon les estimations, environ 4 milliards de pièces sont actuellement hors circuit, stockées dans les foyers français. Cela représenterait près de 700 millions d’euros immobilisés, inutilisés au quotidien.
Peut-on décider seul d’en arrêter la production ?
La réponse est oui. Même si la France partage l’euro avec ses voisins, elle garde le contrôle sur la frappe de ses pièces. C’est la Monnaie de Paris qui gère cette production, et elle peut décider d’en finir avec les pièces rouges sans attendre un consensus européen.
D’ailleurs, plusieurs pays l’ont déjà fait. L’Irlande, la Belgique ou encore l’Italie ont cessé de produire ces petites pièces. Aux Pays-Bas, elles ont même été retirées de la circulation. Et la Finlande a simplement décidé de ne jamais les introduire depuis le début de l’euro en 2002.
Des économies à la clé pour l’État
Un des arguments majeurs : le coût de fabrication. Fabriquer une pièce de 1 centime coûte environ 1,7 centime. Autrement dit, on produit à perte. Morgan Reyrolle précise : « Arrêter leur fabrication permettrait de faire des économies, certes modérées, mais réelles. On parle de plusieurs dizaines de millions d’euros par an. »
Des économies bienvenues dans un contexte où chaque euro public compte, même si elles ne pèseront pas lourd dans le budget global de l’État.
Comment s’y prendra-t-on si la décision est prise ?
Pas question de tout retirer d’un coup. L’exemple des pays voisins montre qu’on peut cesser la production tout en laissant les pièces existantes en circulation. Elles garderaient leur valeur légale, et disparaîtraient progressivement à mesure qu’elles sortent du circuit.
Autrement dit, pas de panique : vos vieilles pièces rouges ne deviendraient pas des objets de collection du jour au lendemain.
Faut-il craindre une hausse des prix ?
C’est l’un des freins majeurs. Moins de pièces implique des arrondis dans les prix, et certains craignent que cela ne joue pas en faveur des consommateurs. Pourtant, dans les pays ayant sauté le pas, l’inflation est restée contenue.
La clé ? Un encadrement clair. Les autorités ont incité les commerçants à arrondir au plus proche multiple de 5 centimes, sans systématiquement arrondir à la hausse. Une manière d’éviter les abus et de rassurer les ménages.
Des effets secondaires à prévoir
Moins de pièces rouges, c’est parfois plus de problèmes ailleurs. En Belgique, par exemple, l’arrêt des 1 et 2 centimes a entraîné une pénurie de pièces de 5 centimes, très sollicitées pour les nouveaux arrondis.
Il y a aussi l’impact social. Certaines personnes marginalisées, comme celles qui vivent de la manche, pourraient en pâtir. Sans parler des emplois potentiellement menacés à la Monnaie de Paris si la production diminue.
La suppression des pièces rouges n’est donc pas qu’un simple ajustement logistique : elle implique des choix politiques, sociaux et économiques importants.
Alors, ces pièces rouges vont-elles bientôt disparaître de nos portefeuilles ? Rien n’est décidé pour l’instant, mais la question ne semble plus taboue. Entre coût de production trop élevé, faible utilité et transition numérique, tout pousse à envisager sérieusement leur retrait. Le sujet est sur la table, reste à savoir quand la France osera franchir le pas.